Ce train si célèbre, surnommé « Le roi des trains, le train des rois », a accumulé, de la part de la plupart des auteurs qui s’y sont intéressés le temps d’un livre ou d’un film ou d’un documentaire de télévision, un nombre incroyable d’erreurs, d’inexactitudes, de reprises naïves et non vérifiées de données fantaisistes. Déjà victime de l’inexactitude de son nom « Orient-Express » car il n’a jamais roulé jusqu’en Orient et n’a jamais été un express, se bornant à la gare européenne de Sirteci à Istanbul, et roulant très lentement tout en s’arrêtant souvent, l’Orient-Express a été le train type de ce qu’un président américain appellerait les « fake news ».
Ayant travaillé, comme conseiller technique, pour « Le Crime de l’Orient-Express » (film de Kenneth Branagh, 2018), ayant fourni toute la documentation nécessaire pour la construction intégrale du train dans les studios britanniques de la FOX à Londres, je peux vous dire que l’essentiel de mon travail a été de nier, détruire, ou corriger des erreurs qui se multipliaient à l’infini dans un enfer pavé de bonnes intentions (tout le monde croit connaître l’Orient-Express, tout le monde « a lu quelque chose sur ce train », etc), et que la fourniture de dizaines de plans exacts type constructeur (Compagnie Internationale des Wagons-Lits) publiés, à l’époque, dans la Revue Générale des Chemins de fer fut un jeu d’enfant, tout comme le choix, en Suisse, d’une des locomotives préservées type Est (France) ayant remorqué ce train sur son parcours français lors des dernières années de la traction vapeur.


Qui a crée l’Orient-Express ?
Georges Nagelmackers, fondateur de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits dès 1876, crée ce train en 1883. La CIWL aura jusqu’à une centaine de trains roulant dans toute l’Europe et jusqu’en Asie (Transsibérien-Express) ou en Égypte (Sunshine-Pullman-Express) et comportant un matériel CIWL hautement standardisé et utilisé sur l’ensemble des trains: wagons-lits, wagons-restaurants, wagons-restaurants avec salon, fourgons à bagages pour les trains à longue distance (dont l’Orient-Express), ou, à partir de 1926, des voitures-salon Pullman avec ou sans cuisine, voitures-bar et fourgons pour les trains à courte distance n’effectuant qu’un voyage de jour.




L’Orient-Express avait-il un matériel spécial ?
Non: il utilisait le matériel standard de la CIWL comprenant un parc de plus de 3000 voitures et fourgons, et l'”Orient-Express” était composé uniquement de quelques voitures lits à compartiments transformables (avec une “position jour” et des banquettes et une “position nuit” avec des lits dépliés), plus la nécessaire et unique voiture-restaurant (qui, avant 1919, est une voiture-restaurant-salon), plus les deux nécessaires fourgons, l’un en tête et l’autre en queue. Il est vrai que les plus belles voitures-lits, quelques-unes des fameuses LX ont pu être mises en service tardivement et dans les années 1930 sur le “Simplon-Orient-Express” (SOE), mais l’Orient-Express utilisait des voitures-lits type S et type Z dont il fut massivement équipé dès leur sortie à partir de 1922, mais ont aussi été utilisées sur les autres trains longue distance.


L’Orient-Express avait-il des voitures-salon Pullman ?
Non. Normalement, il n’y avait pas de voiture-salon Pullman dans la composition de l’OE, puisqu’une telle voiture n’aurait servi à rien et aurait fait double emploi avec la « position jour » des compartiments des voitures-lits. L’auteur Jean-Marc Dupuy, qui a écrit avec Alain Rambaud l’ouvrage de référence “Encyclopédie des voitures SNCF” (LVDR, 1990) signale à l’intention des lecteurs de ce site web: “En ce qui concerne les WSP Pullman, avant 1914 et quelques années après la Première Guerre mondiale, des voitures salon ont existé. Le Simplon Orient-Express en a possédé une entre Milan et Venise au début des années 1920. Des WRS (voiture-restaurant-salon) ont également été intégrées dans l’OE des origines à 1914. Compte tenu du faible nombre de voyageurs, le tiers de l’espace intérieur était aménagé en salon avec canapé, un tiers en salle de restauration”. C’est bien ce type de voiture qui, à tort, est à l’origine de la supposition de l’existence de voitures Pullman dans l’OE d’après 1919.
Jean-Marc Dupuy ajoute ceci, en se référant à un guide de voyage CIWL publié en 1887: “La Voiture-Restaurant-Salon (WRS) de l'”Orient-Express” comporte bien un salon ainsi qu’une salle de restauration. Cela est sans doute à l’origine du mythe des Pullman dans ces convois, il y avait bien des salons dans ces trains, mais avant 1914 et plus après 1919.”


Nous sommes tout à fait en accord avec cet avis. Nous pensons aussi que le monde des Pullman est un monde tout autre que celui de la CIWL. Nous disons même: ne confondons pas Georges Nagelmackers, créateur belge de la CIWL, et George Mortimer Pullman, créateur américain de la voiture-lits ou Pullman Car, et d’une société américaine qui n’a jamais pu conquérir le marché européen, sauf sous la présence de voitures-salon Pullman au Royaume-Uni. Vingt ans après la mort des deux hommes qui ne se sont jamais connus, le train La “Flèche d’or” (Paris-Londres) est lancé en 1926 et il est composé de voitures-salon Pullman qui font donc, par ce biais, leur entrée sur les services de jour de la CIWL, mais il n’y aura jamais de voiture-salon Pullman sur les trains de nuit comme l’Orient-Express. Jamais, donc ?


Si: une seule exception confirmant la règle a été, pendant quelques années, la présence d’une voiture-salon Pullman ajoutée à l'”Arlberg-Orient-Express” et seulement entre Bâle et Vienne en 1930 pour assurer économiquement un bref et rapide service direct entre ces deux villes et qui ne permettait pas à ses voyageurs d’accéder aux autres voitures du train (voir l’illustration ci-dessous). Mais la lourde facture-traction de voitures pesant jusqu’à 50 tonnes, présentée par les réseaux que la CIWL utilisait, faisait que la CIWL gérait au plus serré le nombre des voitures de ses trains, ajustait le nombre de voitures à la demande, et visait d’abord l’économie et la rentabilité. Les voitures-salon Pullman, identifiables à leur couleur marron et crème jusqu’en 1932, puis bleu et crème ensuite, n’offraient donc aucun couchage et seulement des fauteuils, ce qui les excluait des trains comportant des trajets de nuit et qui devaient assurer un réel confort digne d’un hôtel ou d’un paquebot. L’Orient-Express, c’était trois jours et deux nuits de voyage.
Ce train comportait de remarquables voitures-lits métalliques types S, ou Z à partir de 1922 (ou aussi LX bleues à partir du milieu des années 1930 peut-être) et, pour la partie jour du trajet, les compartiments se transformaient en salon avec leurs banquettes rabattables déployées, complétées par un fauteuil classique, une tablette, et un cabinet de toilette individuel: c’était bien le minimum à espérer pour un tel train, et surtout qu’aucune voiture-salon Pullman n’aurait pu offrir !…. Les expositions, films, livres montrant des voitures Pullman (bicolores bleues et crème) comme étant dans l’Orient-Express sont dans l’erreur la plus totale et la méconnaissance la plus complète de ce qu’était un long voyage en train à l’époque.

Les voitures-lits de l’Orient-Express: surtout des types S et Z, et, en moins grande quantité, des LX.
Les tableaux des compositions de l’Orient-Express ou du Simplon-Orient-Express des années 1930 tels que Jean-Marc Dupuy les possède ne montrent aucune voiture-lits type LX dans le train entre 1928 et 1931, lorsque ces célèbres voitures sont mises en service. Cela ne veut certes pas dire que, après 1931, il n’y en ait pas eu.


L'”Orient-Express”: combien de divisions ?
Pour parodier la célèbre question posée par Staline à propos des troupes du Pape, on pourrait la poser à propos du nombre de trains, ou d’itinéraires, ou de services portant le nom d’Orient-Express. Tout le monde utilise le singulier pour désigner L'”Orient-Express”, comme si ce train était unique et indivisible, mais il y a eu, contrairement à ce que l’on croit, beaucoup de trains Orient-Express différents, au pluriel, selon les époques, et aussi les itinéraires dont les changements ont souvent été dictés par la géopolitique et la diplomatie, les guerres aidant. Le train d’origine, jusqu’à la Première Guerre mondiale, utilise ce que l’on appellera l’itinéraire historique par la France, l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la Serbie, la Bulgarie et la Turquie. Après la défaite allemande, en 1919, le Simplon-Orient-Express est créé et passe par la Suisse, l’Italie, la Yougoslavie pour éviter une Allemagne hostile au passage de ce train devenu le symbole du mode de vie des vainqueurs. En 1924, c’est la création de l'”Arlberg-Orient-Express” par la Suisse et l’Autriche, mais en 1929, l’ancien itinéraire par l’Allemagne est à nouveau en service. Enfin, en 1929, l’Ostende-Vienne-Orient-Express crée une relation directe entre les pays du Benelux, l’Autriche et Istanbul.


Comme le montrera la lecture de la chronologie année par année ci-dessous, des quantités de changements d’itinéraires, de créations ou de suppressions de relations par voitures ou tranches de voitures directes rattachées ou détachées en cours de route et formant autant de “branches” sur le “tronc d’arbre” historique, viendront compliquer la passionnante histoire de ce train qui, tout compte fait, est beaucoup plus un réseau qu’un train…
Cerise sur le gâteau de la confusion: à partir des années 1970, de courageux hommes d’affaires, passionnés par ce train, rachètent des voitures CIWL alors vendues aux enchères et, dans un joyeux mélange de voitures-salon Pullman et de voitures-restaurant et de voitures-lits, créent autant de nouveaux “Orient-Express” privés et dits “nostalgiques” qui circulent, en général, entre Paris et Venise, offrant une soirée et une nuit de luxe, de smoking, de champagne et de piano-bar à de fortunés touristes épris de gastronomie.
Comble de la confusion aussi et de nouveau: la CIWL, qui vit ses dernières années, crée en 1987 son “Pullman-Orient-Express” sous la forme d’un train de voitures-salon Pullman ou non, et de voitures restaurant, le tout sans aucune voiture-lit et aucun fourgon, donc sans aucun rapport avec l’Orient-Express réel. Ce Pullman-Orient-Express qui mélange les appellations et les voitures sert de train publicitaire pour faire de la communication d’entreprise et en circulant, le temps d’une soirée, autour de Paris depuis la gare de l’Est. Ce train, magnifique certes par la qualité des voitures le composant, vient parfaire une confusion totale dans les esprits actuels et parvient à se faire passer, lors de manifestations actuelles, comme étant “L’Orient-Express”- le seul, le vrai, l’unique, bien entendu. La boucle de l’erreur est bouclée et Georges Nagelmackers, mort en 1905, s’y perdrait lui-même s’il venait aujourd’hui visiter une exposition consacrée à son célèbre train et dans lequel il ne reconnaîtrait pas grand-chose inspiré par lui-même à la fin du XIXe siècle.
L’”Orient-Express” avait-il une locomotive spéciale ?
Absolument pas. La CIWL n’a jamais eu de locomotives, car elle n’en avait pas besoin. La CIWL, comme son nom l’indique, était une compagnie possédant des voitures-lits formant des trains connus et identifiés par leur nom et leur itinéraire. L’Orient-Express était un de ces trains, et pas le seul… et il utilisait, comme les autres, les locomotives, les voies, les gares de l’ensemble des réseaux européens et asiatiques. Ces trains circulaient derrière des locomotives ordinaires des réseaux, et parcouraient successivement et des étapes de cent à deux cents kilomètres (l’autonomie en charbon et en eau imposait de changer de locomotive pour continuer avec une locomotive ayant fait le plein de charbon et d’eau et ayant un feu nouvellement préparé). Ainsi tout trajet dans un train CIWL demandait plusieurs dizaines de locomotives sur son parcours. Pour Paris-Istanbul, l’Orient-Express utilisait une succession de locomotives françaises, puis allemandes, ou suisses ou italiennes, puis autrichiennes, ou serbes, ou bulgares, puis grecques ou turques. Appartenant donc à toute une succession de réseaux publics ou privés différents, ces locomotives étaient souvent très ordinaires, lentes, mais robustes et puissantes, car, ainsi, elles garantissaient la ponctualité et la régularité de ce train lourd et lent qui circulait avec un contrat précis et rigoureux signé entre la CIWL et chacun des réseaux traversés.






Quand est-ce que l’Orient-Express a circulé pour la dernière fois ?
Formé d’un train d’essai en 1882, puis mis en service courant à partir de 1883, l’Orient-Express assure la liaison intégrale Paris-Istanbul jusqu’en 1977, année qui peut donc être considérée comme celle de la cessation effective du service complet du train, mais nullement de l’Orient-Express. Car des trains comportant des voitures CIWL et portant le nom d’Orient-Express continuent à circuler sur certains tronçons du parcours historique, et, pour ce qui est des horaires et des appellations, le dernier train portant officiellement le nom d’Orient-Express circule le 13 décembre 2009: il ne reliait plus que Strasbourg à Vienne.


Combien de voyageurs ont pris l’Orient-Express ?
Peu, très peu…
Entre 1883 et 1977 il comporte des voitures-lits directes de Paris à Istanbul, et après 1977 ce service n’est plus assuré par voitures directes : on peut donc considérer que, pratiquement, 1977 est la fin du « vrai » Orient-Express, mais il restera un service Orient-Express avec obligation, pour les voyageurs, de changer de voiture ou de train en cours de route.
Période 1883-1914: Ne tenons pas compte, évidemment, de la voiture-restaurant : l’Orient-Express est, de 1883 à la Première Guerre mondiale, composé de trois à cinq voitures-lits accueillant chacune entre une dizaine et une vingtaine de voyageurs, soit environ 45 à 100 voyageurs, disons 70 voyageurs en moyenne. Le train fait un aller Paris-Istanbul 3 fois par semaine, et un retour 3 fois par semaine, soit 6 trajets, soit 6 × 70 = 420 voyageurs par semaine, soit 420 × 52 = 22.000 voyageurs par an (la SNCF, aujourd’hui, ce sont des milliards!), soit, entre 1883 et 1914 donc pour 31 années, un total d’environ 582.000 voyageurs pour la période d’avant 1914. Le prix du billet aller est d’approximativement 300 francs.

Période 1919-1939: C’est la période dite de l’âge d’or du train qui est composé d’une dizaine de voitures accueillant entre 10 et 20 voyageurs (voitures LX), donc en moyenne 150 voyageurs par train, toujours à la même fréquence de 6 allers et retours à la semaine, soit 63.000 voyageurs par an, et de 1919 à 1939, soit 20 ans, un total d’environ 1.260.000 voyageurs pour la période d’entre-deux guerres.
Période 1946-1977: C’est la période la plus difficile à cerner (voir le tableau des compositions) car le train de luxe se vide de ses voyageurs, mais se transforme, vers la fin des années 1950, en un interminable train comportant jusqu’à 20 voitures de toutes sortes, compartiments classiques, couchettes, et une ou deux voitures-lits CIWL. On peut estimer à entre 600 et 1.000 personnes par train, mais la plupart sous la forme de travailleurs entassés jusque dans les couloirs et assis sur des valises, ou d’étudiants avec sac à dos et une carte forfaire européenne tous trajets pour jeunes. La fréquence reste la même. Donc, on aura environ 900 voyageurs par train, avec 6 trajets par semaine sur 52 semaines, soit environ 280.000 voyageurs par an, soit, pour 31 années, 8.680.000 voyageurs, ce qui est artificiellement énorme, et ne correspond pas à la définition exacte d’un train de luxe. L’essor de l’aviation mettra fin rapidement, durant les années 1970 à 1990, à ce genre de train.
On aurait donc, pour un Orient-Express classique, sur la seule relation Paris-Istanbul entre 1883 et 1939, un total assez certain d’environ 2.000.000 de voyageurs, ce qui me semble plausible. Pour la période 1883-1977, on aurait donc un total d’environ 10.000.000 voyageurs, mais ce n’est qu’une vision de l’esprit. Si, maintenant, on considère les quatre trains Orient-Express, et sachant que le Simplon-Orient-Express, avec son magnifique itinéraire par la Suisse et l’Italie et sa plus grande attractivité générale, a certainement beaucoup plus transporté de voyageurs que l’Orient-Express, le chiffre d’environ 8 à 10 millions pour l’ensemble du « système » Orient-Express peut être avancé pour la période 1883-1977. Rappelons, pour situer ce chiffre, que, aujourd’hui, la SNCF seule transporte le même nombre de voyageurs chaque jour, et que le train, en Europe, transporte environ 50 fois ce que transporte l’avion. Une journée SNCF = toute la carrière de l’Orient-Express !
Qui a crée la légende de l’”Orient-Express” ?
Sans aucun doute Agatha Christie, l’auteur (e?) britannique bien connue de très nombreux romans policiers, qui a effectivement pris le train dans les années 1930 lorsqu’elle voyageait avec son mari archéologue rejoignant les sites des fouilles de Turquie et d’Asie. Mais la précision technique n’est pas sa tasse de thé et on notera que le plan de la disposition des compartiments, couloirs, etc … de la voiture-lits S, ou Z ou peut-etre LX qu’elle donne dans son ouvrage « Le crime de l’Orient-Express » pour aider le lecteur à s’y retrouver dans ce véritable « cluedo » qu’est l’intrigue, comporte un tel nombre d’erreurs et d’invraisemblances que, si on en avait tenu compte pour le tournage du film de la FOX (2018), rien d’aurait été vraisemblable: nous avons fourni les plans exacts de la CIWL, et il a fallu sérieusement repenser, jusque dans le moindre détail, tous les faits et gestes des acteurs pour obtenir une cohérence minimale….

La légende de l’Orient-Express est surtout, à notre avis, due au talent de Georges Nagelmackers, un génie de la publicité, de la communication, du mystère et qui a su mobiliser la grande presse internationale pour transformer en mystère roulant légendaire un simple train de hauts fonctionnaires, de banquiers, de businessmen, d’industriels, d’acteurs, de diplomates en mission, de discrets touristes fortunés (bref, la fréquentation de la « classe affaires » de l’aviation actuelle).

Un dernier, avant de prendre la route: l’erreur de la FOX.
J’ai eu le plaisir et l’honneur de travailler pour la FOX et le film “Le crime de l’Orient-Express” de Kenneth Branagh, tourné en 2018, ayant été recommandé par le Pôle Tournages de la SNCF et son directeur Philippe Layle à qui je dois déjà d’avoir travaillé pour “Hugo Cabret” de Martin Scorcese. Une partie du tournage devait être en extérieur, notamment les vues du train en ligne, et je proposai la ligne SNCF de Veynes à Briançon dont les paysages rudes et sévères pouvaient correspondre à ceux des Balkans et dont le faible trafic faciliterait le travail des cinéastes, et je proposai d’utiliser la magnifique locomotive 241-A-65 Est, préservée en Suisse et en parfait état de marche, pour remorquer un train composé de voitures CIWL qui restaient à trouver: ce type de locomotive avait effectivement remorqué l’Orient-Express dans les années 1960 sur la partie française du trajet. L’impossibilité de trouver des voitures-lits et des fourgons, et surtout mon refus énergique de voir des voitures-salon Pullman se faire passer pour des voitures de l’OE, firent que l’ensemble du tournage se fit en studio à Londres, les équipes de la FOX utilisant tous mes plans pour construire un OE entier et totalement exact, des voitures-lits à la voiture-restaurant et surtout avec des fourgons dont aucun ne pouvait être retrouvé. Si les intérieurs ont du répondre aux exigences du tournage (emplacement des caméras dans des reconstitutions de compartiments, etc.), extérieurement le train de la FOX est parfait, exact, et très impressionnant avec sa puissante locomotive qui montre, comme les voyageurs surveillant leur montre dans le film, que le véritable Orient-Express était un train d’hommes d’affaires pressés et non d’esthètes rêveurs et mondains grands buveurs de champagne… Le train est magnifique dans sa force, grandiose dans ses couleurs et ses formes, baroque dans son luxe intérieur, mais il comporte une erreur grossière et stupide qui fut imposée par la FOX soucieuse que le train corresponde à l’idée qu’ont les spectateurs américains du train de luxe “vintage”: posséder une voiture dite “observation car” avec un immense balcon arrière. C’est la dernière image du film, avec ce train vu de l’arrière, qui démarre doucement, montrant son balcon ouvert et très “Denver & Rio Grande Western” que, bien entendu, je n’ai jamais conseillé ni approuvé et que la CIWL n’a jamais pratiqué sur aucune de ses voitures – sauf pour une plateforme vitrée et fermée placée en queue du Transsibérien-Express et qui n’avait rien d’américain. Un conseil: quittez la salle de cinéma juste quelques minutes avant la fin…

Chronologie de l’ « Orient-Express »
Cette chronologie, parue dans l’ouvrage “L’Orient-Express, la vraie histoire” (Hachette-EPA, 2017) s’appuie sur celles données par Werner Sölch, Roger Commault et Jean-Pierre Caracalla dans leurs articles et ouvrages de référence, et complétée par des lectures personnelles de Clive Lamming notamment dans la Revue Générale des Chemins de fer.
10 octobre 1882
L’axe ferroviaire Paris-Vienne, très fréquenté, incite Georges Nagelmackers à l’essai d’un train de luxe, le « Train Eclair ». Il relie les deux capitales, distantes de 1 350 km, en 27 h 53 mn, soit quatre heures de moins que les trains ordinaires. C’est le premier express de luxe International.
5 juin 1883
Voyage inaugural du « Train-Express-d’Orient ».(première appellation de l’ « Orient Express ») avec la traversée de huit pays. Le trains comprend des voitures-lits, une voiture-restaurant supprimant le fastidieux arrêt-buffet, et des fourgons. Durée du voyage Paris-Constantinople : 81 h 30 mn, soit trente heures de moins que le voyage normal par le rail et la route.
4 octobre 1883
Voyage officiel du « Train-Express-d’Orient », avec des invités, des personnalités politiques et des journalistes. Les voyageurs seront de retour à Paris le 16 octobre.
Mars 1884
La « Compagnie internationale des Wagons-Lits » devient « Compagnie internationale des Wagons-Lits et des Grands Express Européens ». Création de services de voitures-salon entre Paris et Bruxelles, et extension des restaurants avec Paris-Bruxelles, Brunn-Badenbach, Francfort-Eges. Les cuisines des voitures-restaurant sont louées à des traiteurs, la CIWL n’ayant pas encore ses propres cuisiniers.
1er juin 1884
Service quotidien entre Paris et Budapest. Mise en service des premiers fourgons CIWL. Perturbation et panique en Europe du sud causées par le choléra avec fermeture des frontières.
Année 1885
Le service Paris-Constantinople est assuré par Belgrade et Nis, mais avec un trajet final de 335 km en diligence à partir de Plovdiv.
Année 1886
La compagnie Pullman se retire définitivement du continent européen et laisse la voie libre pour la CIWL.
Année 1887
Les troubles en Bulgarie retardent toujours l’ouverture de la ligne entre la Serbie et la Turquie, ce qui gêne l’accélération et l’amélioration du service du « Train-Express-d’Orient »
12 août 1888
Le service « Train-Express-d’Orient » atteint désormais Salonique, en Grèce. La ligne Paris-Sofia est enfin entièrement ouverte.
1er juin 1889
La ligne directe Budapest-Belgrade-Sofia est achevée. Le voyage Paris-Constantinople se fait désormais entièrement en train, et demande 67 h 35 mn pour une distance de 3186 km.
Année 1891
Le « Train-Express-d‘Orient » devient officiellement l’ « Orient-Express ». La CIWL a un parc de 776 voitures et 120 fourgons.
31 mai 1891
Près de Cerkeskôy (Turquie), le train subit une attaque de des pillards qui dérobent un butin estimé à 40 000 livres sterling. Une rançon de 8 000 livres sterling est payée pour la libération de 5 voyageurs allemands.
12 septembre 1892
A la frontière turque, l’ « Orient-Express » est bloqué : une épidémie de choléra impose une mise en quarantaine sauf pour le courrier diplomatique en avoir désinfecté les enveloppes.
Année 1894
La CIWL ouvre de grands hôtels à Constantinople, comme le « Bosphorus », le « Summer Palace Hotel » et le « Pera Palace ». Le tarif aller-retour en première classe est fixé à environ 600 francs . NB : Un ouvrier non spécialisé gagne 4 francs par jour, et une grève de 1910 réclamera 5 francs par jour, ou une « thune ».
Année 1895
Inauguration, en Novembre, de l’ « Ostende-Vienne-Orient-Express » qui est le premier « train à tranches » (ce terme désignant des trains prenant ou laissant, en cours de route, des voitures de provenance ou de destination différentes) venant compléter le système de l’ « Orient-Express ».
Année 1897
En Autriche l’ « Orient-Express » abandonne la ligne passant par Simbach et dessert désormais Salzbourg.
Année 1901
Mise en service d’une voiture-lits directe entre Paris et Karlsbad (devenue Karlovy-Vary). Le 6 décembre 1901, la locomotive finit sa course à l’intérieur du buffet de la gare de Francfort. Les dégâts sont matériels, mais le problème du freinage des trains reste posé.
Année 1905
Décès de Georges Nagelmackers dans sa propriété de Villepreux les Clayes, en France. Nicolas Schrœder, son collaborateur de la première heure, dirige désormais la CIWL.
Année 1906
Création du « Simplon-Express » assurant la liaison Calais-Paris-Milan, itinéraire rendu direct après le percement du tunnel du Simplon entre la Suisse à l’Italie. Le tunnel mesure 20 km et va profondément changer la donne ferroviaire en Europe.
Année 1908
Le « Simplon-Express » est prolongé jusqu’à Venise.
Année 1909
Mise en place d’un service quotidien Paris-Budapest, et d’un service bihebdomadaire Paris-Bucarest-Constantza et trihebdomadaire Paris-Budapest-Sofia-Constantinople. L’ « Orient-Express » peut utiliser, à partir de Subotica au nord de Belgrade, deux itinéraires différents mais garde le même nom quel que soit l’itinéraire. Le trajet jusqu’à Costanza demande 2747 km faits en 63 heures, celui de Constantinople 3043 km en 76 heures. Pour l’époque, ce sont des records de vitesse.
4 août 1914
Suspension de l’ « Orient-Express » pour cause de déclaration de la Première Guerre mondiale.
15 janvier 1916.
Le « Balkan Zug » de la Mitropa allemande, fraîche concurrente de la CIWL et grande accapareuse de matériel roulant CIWL, remplace pour un temps l’ « Orient-Express » sur le trajet Berlin-Constantinople. C’est un train composé de voitures-lits, d’une voiture-restaurant, et surtout de voitures ordinaires des trois classes, ce dernier point faisant toute la différence avec les trains de la CIWL d’alors. Les voitures CIWL «acquises» et entrant dans sa composition ne seront jamais récupérées…
Février 1919
Un « Train de Luxe Militaire » circule sur le trajet Paris-Vienne-Linz-Prague-Bucarest-Varsovie. Créé par le ministère français de la Guerre il est réservé aux membres des Etats-Majors et aux personnalités autorisées. Les Allemands voient en lui le « cordon sanitaire » (en français dans le texte) que les vainqueurs ont établi pour garantir leurs intérêts… et attendent, avec impatience, le retour des trains internationaux allemands en Europe que l’article 367 du Traité de Versailles ne permet d’organiser qu’avec une autorisation préalable.
11 (ou 15) avril 1919
Création du deuxième « train à tranches » issu de l’ « Orient-Express » : il s’agit du « Simplon-Orient-Express », surnommé le « Entente-Zug » (Train de l’Entente) par les Allemands. Il reprend le trajet du « Simplon Express » et le prolonge jusqu’à Trieste où l’on change de train pour Bucarest, Athènes et Constantinople. Budapest n’est pas atteinte directement pour cause de destruction d’un pont sur le Danube.
Fin 1919
Une conférence internationale prévoit la remise en service de l’ « Orient-Express » et le prolongement du « Simplon-Orient-Express » jusqu’en Turquie.
1er mai 1920
« Le Train de Luxe Militaire » continue à rouler sur les traces de « Orient-Express », mais la pénurie de charbon qui frappe l’ensemble des réseaux européens (et activera leur électrification) empêche la reprise du service type CIWL jusqu’en juin 1920.
20 juin 1920
Remise en route de l’ « Ostende-Vienne-Express » (qui perd donc le mot « Orient »), effectivement désigné sur les horaires comme étant un « Boulogne-Paris/Ostende-Strasbourg-Vienne-Express », puisque des « tranches » directes existent au départ de Boulogne et passage par Calais, puis Paris-Nord et Paris-Est pour rejoindre le train à Strasbourg. Il s’agit autant de séduire la clientèle britannique débarquant à Boulogne, Calais, que celle d’Ostende.
Juillet 1920
Enfin le réseau du PLM a sa part du gâteau qu’est la CIWL avec le transfert du départ du « Simplon-Orient-Express » de la gare de l’Est à la gare de Lyon à Paris. Voilà que le « Entente-Zug » passe bien par les pays vainqueurs ou « politiquement corrects », desservant, entre autres villes, Dijon, Vallorbe, Lausanne, Milan, Venise, Trieste, Belgrade. Des voitures directes (en « tranches » de deux ou trois, ou seules) circulent jusqu’à Bucarest par Orsava. On dit que, durant ces rudes temps d’après-guerre, le personnel de l’ « Orient-Express » a du, une fois au moins, faire la quête auprès des voyageurs pour réunir de l’argent et « payer cash » du charbon dans un dépôt yougoslave dont le chef manque de confiance vis-à-vis de la CIWL ! Cette histoire est peu vraisemblable, sachant que les trains de la CIWL sont toujours remorqués par des locomotives du réseau de chaque pays traversé et que la CIWL verse ses péages directement à la comptabilité centrale des réseaux.
Année 1921
Les difficultés avec la « Mitropa » allemande battent son plein (note pour le correcteur : pas “leur plein”, svp) avec la mise non de train mais de voitures Calais-Constantinople ou Ostende-Constantinople par Bâle et Milan, incorporées aux trains de la Deutsche Reichsbahn, ce qui prive la CIWL de toute possibilité d’action dans une Allemagne qui reconstruit son réseau ferré, désormais nationalisé, avec une rapidité et une qualité exemplaires. Le « Simplon-Orient-Express » circule de Calais à Vinkovci, ville yougoslave promue au rang de « hub » ferroviaire des Balkans, située au nord-ouest de Belgrade, elle-même devenue capitale du nouveau pays. Une « tranche » de deux voitures-lits directes assure le service de Bucarest, et trois autres continuent vers Belgrade. A Nis, une petite ville qui se transforme en nœud ferroviaire important, d’autres tranches de voitures directes sont dirigées vers Constantinople, et vers Salonique et Athènes.
Année 1921
La liaison Paris-Bucarest est si difficile que la CIWL songe à un itinéraire par l’Arlberg puis la Galicie (ex-autrichienne devenue polonaise) et Lvov, et une longue descente vers le sud pour atteindre Bucarest : qualifié de « grotesque » par les spécialistes consultés, cet itinéraire ne sera jamais utilisé.
15 mars 1921
Circulation d’un train Paris-Berlin-Varsovie, mais le peu de succès de la voiture-lits directe pour Varsovie fait changer sa destination pour Karlsbad dès le mois de mai.
Année 1922
Apparition des premières voitures métalliques de la CIWL, et, avec elles, du fameux bleu nuit à filets jaunes de la CIWL qui fera que le « Calais-Méditerranée-Express » prendra le surnom de « Train-Bleu ». Ce magnifique matériel bleu roulera pour tous les trains de la CIWL, quitte à ce que, provisoirement, les anciennes voitures à caisse en bois de teck verni soient repeintes en bleu à même les frises extérieures de la caisse ! Cette couleur restera, jusqu’au bout, l’emblème de la réussite de la CIWL et de la beauté de ses trains.
Janvier 1923
En réponse à l’occupation franco-belge du Rhin, l’Allemagne interdit son réseau à l’ « Orient-Express » qui doit faire le détour par Bâle, Zurich et Innsbrück,. C’est l’ébauche du troisième train de la famille de l’ « Orient-Express » qui prendra le nom d’ « Arlberg-Orient-Express », utilisant un itinéraire très direct par le col de l’Arlberg.
Novembre 1924
La CIWL retrouve son itinéraire historique au départ de la gare de l’Est à Paris et passe par Munich et le sol allemand de nouveau, puis par Zürich et Innsbrück, mais le train roule sous le nom d’ « Arlberg-Orient-Express » puisque l’ « Orient-Express » est, en théorie, interdit d’Allemagne. La traction est électrique, à partir de 1925, entre Munich et Salzbourg avec le système dit du 16 2/3 Hz qui est installé en Suisse, Allemagne, Autriche et les pays Scandinaves.
Novembre 1924
Lancement d’un « Suisse-Arlberg-Vienne-Express » qui, en 1927, aura une voiture-lits directe pour Bucarest.
Année 1925
Remise en service de l’ « Ostende-Vienne-Express » et présence d’une voiture-lits directe pour Istanbul dans le train, incorporée dans l’ « Orient-Express » à Vienne. Présence aussi d’une voiture-lits directe Ostende-Istanbul mais acheminée par le St-Gothard pour rejoindre le « Simplon-Orient-Express ». Ces voitures-lits ne circulent qu’en été.
Année 1929
Reprise, enfin, du service historique de l’ « Orient-Express » sur la relation Paris-Vienne-Budapest-Constantinople (devenue Istanbul), et record mondial des retards avec une performance de cinq jours, dont l’ « Orient-Express » devient titulaire, pour cause de neige en Turquie, pas très loin d’Istanbul pour comble de malchance. Aucune protestation de la part des voyageurs n’est portée sur le livre de doléances, mais, au contraire, ce sont des félicitations pour le personnel qui est parti à la chasse pour nourrir les voyageurs.
2 novembre 1929
Ouverture, par la compagnie aérienne britannique « Imperial Airways » d’une ligne reliant le Royaume-Uni à l’Allemagne et à la Grèce en passant par les Balkans. Le service Cologne-Athènes porte un coup rude aux trains de la CIWL
Année 1930
Le service de l’ « Orient-Express » est une fois de plus suspendu, alors que le « Taurus-Express » l’attend au départ de la gare asiatique d’Istanbul qu’est celle d’Haydarpasa pour prolonger l’ « Orient-Express » (momentanément absent) sur le continent asiatique et faire que l’ « Orient-Express » aille vraiment en Orient. Dès que ce train sera remis en service normal, on pourra, moyennant la traversée du Bosphore en ferry, aller à Téhéran, Bagdad, Beyrouth, Le Caire si quelques tronçons de ligne manquant encore à l’appel sont construits.
22 mai 1932
L’ « Orient-Express » et l’ « Arlberg-Orient-Express » fonctionnent en service alterné : l’honneur est sauf car la relation est assurée tous les jours, et à moindre frais.
Année 1932
Les temps changent et les services bi- ou trihebdomadaires se multiplient. Le « Simplon-Orient-Express » reste quotidien, mais le « Taurus-Express » circule trois fois par semaine en direction de la Palestine, la Syrie, l’Egypte, deux fois par semaine en direction de Bassorah où l’on prend le bateau pour les Indes. La traction électrique est en place entre Bâle et Salzbourg par la Suisse et l’Autriche, ou entre Hesyeshalom et Budapest en Hongrie. L’année suivante, la traction électrique est en service entre Stuttgart et Munich: l’Allemagne met les bouchées doubles pour électrifier son réseau, les souvenirs des pénuries de la Première Guerre mondiale motivant un Reich désireux d’indépendance énergétique nationale.
19 avril 1934
Carlo Abarth, constructeur de voitures de course, fait le trajet Vienne-Ostende, soit 1372 km quand-même, mais en … moto, sans prendre de repos, et, deux semaines plus tard, fait le trajet retour durant lequel roule plus vite que le train en arrivant avec 20 minutes d’avance à Vienne – exténué, on s’en doute.
Année 1935
Les complications recommencent pour l’ « Orient-Express » dans les Balkans surtout dues au manque de fréquentation donnant des voitures-lits presque vides, et même un trajet Budapest-Istanbul sans voiture-restaurant. Le problème est résolu par l’accrochage d’une voiture-restaurant bulgare à Svilengrad.
4 septembre 1939
La Seconde Guerre mondiale interrompt le service de l’ « Orient-Express », mais le « Simplon-Orient-Express » est, on le pense, à l’abri des hostilités possibles. Des voitures directes circulent entre Munich ou Zurich et Bucarest.
7 septembre 1940
Le roi Carol de Roumanie peut se réfugier en Suisse en voyageant discrètement à bord du « Simplon-Orient-Express ».qui roulera régulièrement jusqu’au 16 mars 1942.
27 septembre 1945
Reprise du service pour l’ « Arlberg-Orient-Express », avec une ambiance très « Troisième homme » à Vienne, comme un cadavre tombé du train dans un tunnel, celui d’un Attaché américain…
13 octobre (ou novembre selon les sources) 1945
Le « Simplon-Orient-Express » reprend son service entre Paris et Istanbul, mais en donnant le premier signe de sa décadence avec la présence de voitures ordinaires, de 1ère classe, entrant dans la composition du train parmi les voitures de la CIWL.
Courant 1946
L’ « Orient-Express » circule de nouveau, mais de Paris à Vienne, comprenant aussi des voitures directes Paris-Prague avec prolongement envisagé jusqu’à Varsovie, ainsi que des voitures Paris-Baden-Baden, et Paris-Innsbruck quittant le train en cours de route. L’ « Orient-Express » circule trois fois par semaine, les lundis, mercredis et vendredis au départ de Paris et de Vienne, les mardis, jeudis et samedis au départ de Prague, Innsbruck et Baden-Baden.
8 janvier 1946
Le « Simplon-Orient-Express » ne circule que trois fois par semaine.
7 octobre 1946
Le « Simplon-Orient-Express » redevient quotidien. L’ « Orient-Express » est remis en service, mais ne comporte, dans sa composition, qu’une voiture-lits directe pour Prague.
Année 1947
L’ « Alberg-Orient-Express » dessert Bucarest. Cette année-là voit aussi la création d’un quatrième train faisant partie de la famille « Orient-Express » sous la forme du « Balt-Orient-Express » qui est orienté nord-sud, de la Scandinavie aux Balkans. Les trains comportent des voitures-lits Oslo-Prague et Stockholm-Belgrade.
1er juin 1948
L’Orient-Express n’est plus officiellement désigné, sur les horaires public, comme étant un train de luxe. Il reprend son service Paris-Budapest-Belgrade-Bucarest, bien que le contrat entre la CIWL et la Roumanie ne soit pas reconduit.
Année 1949
Le service Paris-Budapest- Belgrade est suspendu, et la Tchécoslovaquie comme la Hongrie ne reconduisent pas leurs contrats avec la CIWL, communisme oblige provisoirement toutefois. Une voiture-salon Pullman Bale-Vienne est incorporée dans l’ « Arlberg-Orient-Experss » jusqu’en 1957 formant une apparition exceptionnelle d’une voiture-salon dans ce monde de trains de nuit à long parcours. Des voitures-lits directes assurent la « tranche » Prague-Sofia-Istanbul.
Année 1951
L’ « Orient-Express » se doit de contourner la Tchécoslovaquie entre Bratislava à Hegyeshalom. La réouverture de la frontière grecque permet au « Simplon-Orient-Express » d’assurer à nouveau le service de Paris à Athènes.
Année 1952
La traction électrique étend ses caténaires de Salzbourg à Vienne. Les voitures-lits du « Simplon-Orient-Express » ne dépassent plus ni Sofia ni Svilengrad car la frontière bulgaro-grecque est fermée, communisme, là aussi, oblige.
Année 1953
Le service Paris-Istanbul se doit d’éviter de desservir la Bulgarie et de passer, faute de mieux, par Salonique et la Grèce, puisque seule la frontière gréco-turque est ouverte entre des gens convenables qui reconnaissent les valeurs libérales. Mais le trajet dans la partie nord de la Grèce est dangereux la nuit, vu la présence des bandits qui, eux aussi, pratiquent les valeurs libérales d’enrichissement rapide. On verra alors du jamais vu dans l’histoire ferroviaire : un train passant la nuit immobilisé et surveillé, ici en gare d’Alexandroupolis.
Année 1954
Le « Simplon-Orient-Express » peut à nouveau circuler en Bulgarie, mais sous la forme de ce que l’on appellerait un « MV » à la SNCF de l’époque, c’est-à-dire un « Marchandises-Voyageurs ». La descente aux enfers continue avec des wagons couverts entrant dans la composition du train…On n’a pas signalé, pour autant, la présence de wagons tombereaux ou de wagons citernes.
Année 1956
L’ « Orient-Express » ne peut plus rouler au-delà de Budapest pour des raisons politiques. La traction électrique fait son apparition entre Kehl et Stuttgart, et, en 1958, entre Paris et Strasbourg.
Année 1959
Suppression de la voiture-lits Paris- Budapest : le monde communiste, hélas, se replie sur lui-même et le franchissement des frontières est même impossible entre les pays partageant sinon le même idéal du moins le même mode de vie planifié.
21mai1962
C’est une grande réorganisation des services et des appellations des trains. Les vieux noms glorieux tombent dans l’oubli. Le « Direct-Orient- Express » remplace le « Simplon-Orient-Express » et reçoit de nombreuses voitures ordinaires, assurant néanmoins le service de Paris à Istanbul. De son côté l’ « Arlberg-Express » Paris-Vienne vient remplacer et supprimer l’ « Arlberg-Orient-Express ».
Année 1964
L’ « Orient-Express » retrouve sa voiture-lits Paris-Budapest. Ne désespérons pas de l’esprit d’ouverture des Hongrois, sinon des pays de l’Est.
Année 1965
Les Roumains, à leur tour, sont épris d’ouverture et le service reprend jusqu’à Bucarest mais seulement trois fois par semaine, mais durablement car il tiendra pendant une vingtaine d’années.
Année 1967
La Compagnie Internationale des Wagons-Lits perd son « et des Grands Express Européens », remplacé par un anodin « et du Tourisme » qui n’engage à rien…mettant fin à 83 années d’une appellation mythique. La CIWL devient la CIWLT.
Année 1970
C’est l’année de non reconduction du contrat liant la CIWL (T ?) à la Turquie mais la voiture-lits Paris-Istanbul pourra continuer à circuler, passant entre les gouttes. .
Année 1976
La voiture-lits directe Paris-Athènes est supprimée : ici, ce n’est pas pour cause de fermeture idéologique, mais pour cause d’absence de voyageurs en nombre suffisant, les autres prenant l’avion. Un nouveau type de train apparaît, formé de voitures CIWL (dont de nombreuses LX) rachetées : voici le « Nostalgie-Orient-Express » d’Albert Glatt qui commence à circuler à titre privé (mais comme la CIWL, en fait !) à partir de Zürich vers Istanbul ou Athènes par le Simplon, l’Arlberg ou par l’ancien itinéraire historique de la vallée du Danube.
20 mai 1977
Dernier départ officiel de la voiture-lits directe Paris-Istanbul du « Direct-Orient », et le 22 mai, dernier retour de cette voiture-lits à Paris. On ne peut plus faire le trajet Paris-Istanbul dans son compartiment. Il est toujours possible de faire le trajet, mais en changeant de train à Venise ou à Belgrade, ce qui fait dire que l’ « Orient-Express » est mort. Mais comme les héros de Shakespeare ou de Wagner que l’on est surpris de retrouver vivants d’acte en acte, l’ « Orient-Express » circule toujours malgré sa mort annoncée, en alternant des Paris-Budapest et des Paris-Bucarest. Le voilà revenu, par une ironie de l’histoire, presque à son trajet de 1883.
9 juin 2007
Le dernier « Orient-Express » régulier au départ de Paris (train 263) part pour Vienne, composé de matériel voyageurs autrichien des plus ordinaires.
13 décembre 2009.
Le train 468/9 dénommé «Orient-Express» qui ne reliait que Strasbourg à Vienne, est supprimé. C’est la véritable et tristement définitive fin de l’ « Orient-Express ».
L’Orient-Express: que lire ?
Barsley? l: « Orient Express » – Mac Donald & C°, UK, 1966
Behrend, George, Histoire des trains de luxe, de l’Orient-Express au T.E.E., Office du livre, Fribourg, 1977, 216 p.
Behrend, George: « Grand european expresses » – G. Allen & Unwin, UK, 1962
Behrend, George: « Pullman in Europe » – Ian Allan Ltd, Londres, 1962
Brandt, W: « Schlaf- und Speisewagen » – Franckh’sche Verlagshandlung, Stuttgart, 1968
Campbell, George, Derek, 1883-The Orient Express-1983, Bognor Regis, New Horizon, 1983, 184 p.
« Cinquantenaire de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits & des Grands Express Européens, 1876-1926 », Paris, CIWL, 1926, 46 p.
Commault, Roger: « Georges Naglemackers » – La Capitelle, 1966
Commault, Roger, Georges Nagelmackers, un pionnier du confort sur rail, Uzès, Éditions de la Capitelle, 1966, 62 p.
Cookridge, E.H., Orient Express, the Life and Times of the World’s Most Famous Train, New York, Random House, 1978, X-288 p.
« Cooks continental time table 1873-1973 » Cooks, Londres, 1973
Coudert, Gérard, Knepper, Maurice, Toussirot, Pierre-Yves, La Compagnie des Wagons-Lits : Histoire des véhicules ferroviaires de luxe, Paris, Éditions La Vie du Rail, 2009, 399 p.
Des Cars, Jean, Commault, Roger, Sleeping Story : l’épopée des wagons-lits, Paris, Julliard, 1976, 244 p.
Des Cars, Jean: « Sleeping story » – Julliard, 1976
Des Cars, Jean, et Caracalla, Jean-Paul: « L’Orient express » – Denoël, Paris, 1984
Des Cars, Jean, Caracalla, Jean-Paul, L’Orient-Express : un siècle d’aventures ferroviaires, Paris, Denoël, 1984, 158 p.
Husband; J: « The story of the Pullman car » – Mac Clurgh, USA, 1917 « Les folles années du rail, du Transsibérien à l’Orient Express » catalogue d’exposition à Paris, 1981
Lamming Clive : « L’Orient-Express » Editions EPA-Hachette LIvre 2017, 205p.
Perret, Renzo: « Les voitures Pullman » – Editions du Cabri, Menton, 1983
Rémy, PJ: « Orient-Express » – Albin Michel, 1979 (roman)
« Royal journey – a retrospective on royal trains in the British Isles » – UK, 1953 « Royal trains of the British Isles » – UK, 1974
Sherwood, Shirley, Venise-Simplon-Orient-Express, Londres, Wendefeld & Nicolson, 1985, 160 p.
Stöckl, F: « Rollende Hotels Internationale Schlafwagen Gesellschaft » – Bohmann Verlag, Allemagne, 1967
« The history of Wagons-Lits 1875-1975 »
Stöckl, F, Jeanmaire, C: « Komfort aus Schienen » – Orell Füssli, Zürich coll.
Wiesenthal, Mauricio, La Belle Époque de l’Orient-Express, Barcelone, Geocolor, 1979, 94 p.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.