Puisque le chemin de fer a pour principe fondamental la circulation de trains de voitures ou de wagons attelés entre eux, ceci créant une sécurité et une éconimie d’energie incomparables, la question de l’attelage est cruciale dans le monde ferroviaire. L’attelage anglais des débuts est une simple chaîne à trois maillons, le fameux “three link chain”, rudimentaire, grossier mais très solide, et qui durera longtemps sur le réseau britannique, jusque vers les années 1950. L’attelage avec tendeur à vis nait rapidement, dès les années 1840. Demandant tout autant une intervention manuelle, il est tout aussi très dangereux et génère des pertes de temps considérables dans les triages. La question de son remplacement par un système plus performant est posée dès le milieu du XIXe siècle.

L’attelage manuel : commode, mais primitif et dangereux.
Lors des débuts du chemin de fer, il a bien fallu accrocher les locomotives et le matériel remorqué pour faire des trains, et les ingénieurs anglais du XIXe siècle utilisèrent simplement le système alors en usage dans les chemins de fer miniers depuis des décennies déjà: la simple chaîne. Mais cette vue courte et immédiate des choses, aujourd’hui encore, complique l’exploitation des chemins de fer et la rend dangereuse. Les organes de traction permettent l’accouplement avec les autres véhicules et leur transmettent l’effort de traction de la locomotive. Tous les matériels moteurs et remorqués sont munis sur leurs traverses de tête d’organes de traction.
Les organes de choc (ou “tampons”) assurent en permanence un contact souple entre les véhicules et amortissent les chocs qui se produisent à l’accostage et en marche sous l’effet d’à-coups de traction et de freinage. Les organes de choc, eux, sont étroitement associés aux organes de traction, et se retrouvent avec eux sur la traverse de tête, ou traverse de tamponnement, du matériel roulant. Ils permettent à l’ensemble du train une certaine flexibilité pour les passages en courbe et amortissent les oscillations des véhicules pendant la marche, par le fait qu’ils prennent appui les uns sur les autres, formant un amortisseur à friction.

La description des organes de traction.
Les organes de traction d’un véhicule sont disposés à chaque extrémité du véhicule, sur les traverses de tête, dans l’axe longitudinal du châssis. Les organes de traction comprennent un crochet de traction, un tendeur d’attelage, un crochet de tendeur au repos (accessoire de sécurité), et un organe élastique ou ressort de traction fixé sur le châssis.


Le crochet de traction unifié de 100 tonnes équipe l’ensemble du matériel Européen actuel. C’est une pièce en acier forgé et traité. La forme particulière donnée au crochet lui assure une grande résistance à la rupture. Le crochet se compose de deux parties : la tête et la tige. La tête de crochet est une partie massive munie d’un bec et percée d’un œil. La tête reçoit à demeure le tendeur du véhicule auquel appartient le crochet, et elle peut recevoir la maille du tendeur du véhicule voisin lors de l’attelage. L’extrémité opposée au crochet est soit filetée, soit munie d’un œil, soit munie d’une embase.
Le tendeur d’attelage unifié de 85 tonnes est en acier « D » forgé et traité. La petite maille est en acier au nickel. Le tendeur d’attelage se compose de flasques (ou bielles) articulées sur un écrou à tourillons et assemblées par un axe ou tourillon d’articulation, d’une manille en forme d’étrier articulée sur un écrou à tourillons, d’une vis à pas contraires et à filets ronds commandant les deux écrous à tourillons, et, enfin, d’un levier à contrepoids, ou manivelle, permettant la manœuvre de la vis pour le desserrage ou le serrage de l’attelage). La manille du tendeur non utilisée pour l’attelage de deux véhicules est relevée et accrochée à un crochet de tendeur au repos, fixé sous la traverse de tête.
Le « three link coupling ».
C’est le terme technique anglais pour désigner les premiers attelages faits de trois maillons d’une simple chaîne, robuste certes, et pendant librement à chaque extrémité des locomotives et des wagons, entre les tampons. Ce système, si l’on peut dire, sévit durant tout le XIXe siècle sur le réseau anglais, et, vers les années 1950-60, on peut encore voir des wagons de marchandises anciens dotés de cet archaïsme technique, et attelés sans autre forme de procès à des wagons à attelage manuel plus récent.
Le grand problème posé par le « three link coupling », comme pour l’ensemble des attelages manuels qui en représentent l’évolution, est que c’est un attelage qui doit d’abord être accroché et décroché à la main. On image le danger que cela représente pour l’homme d’équipe chargé de ce travail, se glissant entre des wagons dont le mouvement peut être imprévisible pour lui si, par erreur, le mécanicien déplace le train.
Mais aussi, pendant les opérations de triage, lorsque les wagons, roulant seuls, viennent en contact les uns avec les autres sur la voie de réception, l’homme d’équipe doit aussi aller accrocher les attelages, mais au risque d’être coincé entre les tampons s’il ne fait pas attention.
Il pose aussi un autre problème : celui de l’ensemble des jeux qu’il laisse persisté, une fois attelé, entre les deux véhicules. IL permet très librement des départs brutaux quand l’effort de traction se transmet de véhicule en véhicule, et aussi, d’une manière corollaire, les chocs quand un ralentissement ou un freinage se transmet de la même manière.

L’attelage à vis et tendeur.
Il est issu du précédent dont il reprend le principe. Il est composé de la boucle (ou « manille ») à placer sur un crochet, avec tous les dangers identiques que cela comporte. Par contre il permet de « serrer l’attelage », c’est-à-dire de faire que les wagons, rapprochés, circulent à tampons joints. Ceci évite alors les chocs répétés au démarrage et au freinage, chocs qui se répercutent de wagon en wagon sur toute la longueur du train, causent des désagréments aux voyageurs et endommagent les marchandises fragiles.
L’attelage à vis et tendeur équipe la quasi totalité du matériel roulant européen, locomotives, voitures et wagons. Les pays neufs comme les USA, la Russie, l’Australie, ont su éviter le recours à l’attelage à vis et utiliser, dès la création de leurs réseaux, l’attelage automatique. Toutefois en Europe le matériel qui circule seul, comme les automotrices, les TGV, n’est pas doté de cet attelage à vis et tendeur, mais d’un attelage automatique utilisant un principe totalement différent.
La suppression de l’attelage manuel à vis et tendeur a fait couler beaucoup d’encre et occupé beaucoup de conférenciers depuis des décennies…. La raison de ce retard est purement d’ordre financier. Il faudrait non seulement mettre au point et construire les attelages automatiques, mais il faudrait surtout les installer.
Après avoir songé à un complexe et coûteux système d’attelage automatique compatible avec les attelages anciens et que l’on monterait au fur et à mesure sur le matériel roulant lors des révisions, on recule devant l’idée d’arrêter d’un seul coup tous les trains européens pendant plusieurs jours, et d’installer en une immense opération tous les attelages automatiques, là où se trouvent les trains. Pour le moment aucune solution n’a été trouvée, et le bon vieil attelage à vis et tendeur a encore de longs jours d’existence devant lui: rendez-vous au prochain millénaire !




D’incessants progrès au cœur d’un système rudimentaire.
Un certain nombre de pays ont choisi d’éviter à tout prix le système ancien et très peu satisfaisant qu’est l’attelage manuel. C’est le cas des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine, de l’Australie, et du Japon, même si on rencontre ce dispositif d’attelage manuel encore sur les lignes isolées de certains de ces pays, notamment en Russie. Par contre, en Europe, malgré des essais plus ou moins étendus, il n’existe aucun chemin de fer important dont la totalité du parc soit équipée avec cet attelage.



L’attelage automatique reste donc peu répandu en Europe. Il faut noter cependant une tendance très nette à en équiper les matériels qui, normalement, sont toujours indépendants de l’ensemble du parc moteur et remorqué, c’est-à-dire les rames de banlieue réversibles, les automotrices électriques, les autorails, et surtout le TGV (à l’exception de l’attelage entre les motrices et les « tronçons » composés de remorques).


L ‘attelage automatique est considéré aujourd’hui comme un facteur essentiel de la capacité du transport ferroviaire modernisé dans sa traction et dans son exploitation. En effet, si les trains munis de l’attelage à vis ne dépassent guère une charge de 2500 tonnes, l’attelage automatique permet de former des trains pouvant atteindre 10 000 tonnes. C’est pourquoi une évolution apparaît dans la conception du matériel à marchandises.
C’est ainsi que les wagons de type courant commandés par la SNCF et dont les caractéristiques sont conformes aux normes de l’UIC comportent un châssis prévu pour supporter les efforts de choc et de traction transmis par le futur dispositif d’attelage automatique. En effet, l’attelage central demande la présence d’une poutre centrale et de faibles déplacements dans les courbes, ce qui entraîne l’emploi de véhicules à bogies. Des études sont entreprises pour augmenter la capacité de chargement et le volume des wagons courants ; elles tendent à substituer au wagon à deux essieux, un wagon à bogies qu’il sera plus facile d’adapter à l’attelage automatique.
Par ailleurs, dès sa création, la SNCF cherche à améliorer les conditions d’utilisation du matériel à marchandises, en tenant compte d’une accélération générale de la vitesse des trains elle a donc recherché un bogie convenable à l’équipement des wagons à marchandises pouvant circuler à 120 km/h.
Le retard européen.
Pourquoi une aussi longue attente en Europe ? La Revue Générale des Chemins de Fer ne manquera pas de traiter de cette question dès les premières années de sa parution en 1878, et, aujourd’hui, 130 années plus tard, elle n’a pas épuisé le sujet… Né avec le chemin de fer dont il est au cœur même de l’ensemble de ses principes techniques, l’attelage n’a pas posé de problème grave tant que l’exploitation des lignes, leur débit, les charges transportées et les vitesses pratiquées sont restées modestes, c’est-à-dire pendant la période s’étendant des années 1810 à 1850.
Mais, aux Etats-Unis, l’importance des charges, et surtout la densité des circulations sont telles que, dès 1860 les premiers essais d’attelages automatiques sont entrepris. En 1877, l’attelage automatique Janney, le précurseur des différents systèmes qui vont se succéder aux Etats-Unis, est généralisé sur le réseau du Pennsylvania. En 1893, le Congrès promulgue le « Safety Appliance Act » qui rend obligatoire dès 1898 l’équipement en attelages automatiques de tous les wagons passant d’un réseau à un autre, cet attelage étant automatique au couplage et devant, pour le découpage, éviter le passage d’un homme entre les wagons.

En 1916, l’attelage dit « MCB » est imposé aux Etats-Unis, au Mexique et au Canada. L’attelage automatique commence son règne sans partage sur le continent nord-américain, et il est perfectionné en 1932, et à nouveau en 1953.
Et en Europe ? D’après les termes de J.Lasson, Ingénieur en Chef à la Direction du Matériel de la SNCF : « L’Europe occidentale est le dernier réduit de l’attelage à vis et du tampon latéral » .
Comment expliquer ce refus ? Un premier essai d’automatisation de l’attelage manuel classique. Vers la fin du XIXe siècle on essaie, en Europe et pendant de longues années, toutes sortes de dispositifs dont certains sont dérivés de l’attelage américain, en se préoccupant surtout de ménager la période de transition pendant laquelle les véhicules munis du nouvel attelage devront pouvoir s’accoupler avec ceux qui n’en seraient pas encore pourvus.
Pas moins de 300 systèmes en compétition.
La RGCF, à sa création en 1878, consacre de nombreux articles à ce thème, et, en juillet 1886 par exemple, la revue suit de très près le grand concours organisé à Nine Elms au Royaume-Uni. Pas moins de 300 systèmes sont candidats et une présélection en écartera la plus grande partie, ce qui permettra à 34 inventeurs de présenter leurs attelages (dont 27 manuels et 7 automatiques) au concours final, pratiquement tous Britanniques, mais un seul est Français, comme l’indique la présence de la Compagnie des Appareils automatiques de Paris.


La réglementation prévoit deux catégories d’attelages, manuels et automatiques, ce qui prouve d’ailleurs que l’attelage manuel est loin d’être au point et demande encore des progrès, mais aussi que l’attelage automatique n’est pas considéré comme une fin en soi.
La position d’André Bachellery en 1900.
Cet ingénieur des mines et aussi ingénieur de la traction sur le réseau du Midi, très connu pour ses travaux en matière de traction électrique entre les deux guerres, prend position dans « Les Annales des Mines » pour ce qui est de l’interminable débat d’alors concernant l’attelage automatique américain. La RGCF ne manque pas de publier les conclusions de cette étude son numéro de Juillet 1900 . André Bachellery connaît bien le chemin de fer des Etats-Unis de son temps, et il a effectué plusieurs missions d’études dans ce pays. Le coût de la transformation du matériel roulant et de l’installation de l’attelage automatique américain type MCB, à raison de 75 à 150 francs d’époque par wagon, coûtera l’équivalent d’environ 150 millions de francs pour les réseaux américains . Les économies en main d’œuvre par rapport aux anciens attelages sont loin en dessous des prévisions, avec la nécessité de faire jusqu’à trois ou quatre tentatives de couplage automatique quand les attelages sont de mauvaise qualité ou très usés…. avec le risque, évident, de casser les attelages à force de faire de tels essais !
Rappelons qu’à chaque nouvel essai, il faut déplacer une rame longue et lourde pour prendre de l’élan : on imagine la violence des chocs, et, peut-être la mise à mal du matériel roulant et des marchandises transportées. Malgré ce qui est espéré, l’’attelage automatique n’a pas supprimé les accidents humains, et même si, aux Etats-Unis, il apparaît que cette automatisation a divisé par deux le nombre d’accidents dus aux attelages, ce nombre reste, d’après Bachellery, deux fois plus fréquent aux Etats-Unis qu’en Europe alors entièrement équipée en attelages manuels.
Le doute comme seule conclusion.
André Bachellery conclut lui-même en bas de la page 189 de la RGCF: « Quels enseignements les ingénieurs étrangers peuvent-ils donc retirer de cette expérience ? D’abord qu’il serait prématuré, dans l’état actuel des choses, de vouloir transplanter tel quel, de ce côté-ci de l’Atlantique, un système qui, aux Etats-Unis, en est encore partiellement à la période des tâtonnements. Ceci ne signifie aucunement que l’on doive en Europe se désintéresser d’une question aussi importante mais simplement qu’il faudra encore bien des perfectionnements et des essais pour que l’attelage automatique y devienne pratiquement et utilement réalisable; si la tentative faite aux Etats-Unis peut fournir pour cela de précieuses indications, elle ne donne pas encore la solution définitive du problème. » L’auteur conclut : « Cette étude nous montre de plus, et ce n’est pas le moindre des enseignements, que l’on en peut tirer, que, lorsque les ingénieurs européens se décideront à entrer résolument dans la voie ouverte par leurs confrères d’Amérique, après avoir surmonté les difficultés d’une entente internationale, et celles, plus sérieuses encore peut-être, que présentera l’organisation du service pendant la période de transition, il leur faudra encore résoudre le problème délicat assurer l’uniformité presque absolue des nouveaux appareils, sans, pour cela, barrer entièrement la route aux manifestations du progrès ; c’est là l’obstacle principal auquel s’est, aux Etats-Unis, heurté dès ses débuts le coupleur automatique. » Sans aucun doute, la position de Bachellery, ainsi exprimée par la RGCF, résume bien celle de l’ensemble des ingénieurs européens au début du XXe siècle, et elle ne changera plus. .
Le problème de la continuité du freinage.
La RGCF d’avril 1912 constate que l’attelage américain oublie les conduites de frein et de chauffage. « Divers essais de raccordement automatique des tuyaux de, frein à air, de chauffage à vapeur, etc…, ont été tentés en Amérique, et des enquêtes spéciales furent faites à ce sujet lors du dernier Congrès International des Chemins de fer à Washington. Le résultat en fut négatif. Il s’ensuit que même si les attelages automatiques étaient adoptés, il serait encore nécessaire pour les agents de pénétrer entre les véhicules pour raccorder les tuyaux de frein et de vapeur, etc.., si bien que les avantages des attelages automatiques en seraient fortement diminués. pour ces motifs, il n’est guère vraisemblable que les attelages automatiques puissent produire une diminution sensible du nombre des accidents actuels de manœuvres. »
C’est ce que l’on peut lire dans la RGCF à la veille de la Première Guerre mondiale, et il est vrai qu’en avril 1912, la RGCF publie des statistiques provenant des grands réseaux américains et européens, et montre que 3 à 4% des agents victimes d’accidents le sont du fait des opérations d’attelage manuel en France et au Royaume-Uni, tandis qu’aux Etats-Unis, pays dont les réseaux sont entièrement équipés d’attelages automatiques, « les accidents d’attelage sont plus importants » et nécessitent l’intervention d’agents, et que ces agents sont blessés par des opérations liés à l’attelage ou au dételage automatique : le nombre est supérieur à ce qu’il est en Europe avec l’attelage manuel.
L’attelage automatique : une cause humanitaire, donc ?
L’autre grand volet du problème, est sa dimension humanitaire. Celle-ci arrive à s’exprimer d’une manière très forte et toujours peu avant la Première Guerre mondiale, quand deux députés ont réussi à mobiliser l’opinion nationale sur ce sujet relevant de la sécurité des cheminots au travail : le bien connu Albert Thomas , d’une part, et, d’autre part, un certain Périssou, rapporteur du budget des chemins de fer de l’Etat.
Ils obtiennent un crédit de 1,2 millions de francs pour l’achat de 600 « autocoupleurs amovibles » et de 1000 « autocoupleurs fixes » du système Boirault.

Des expériences ont été menées par le réseau de l’Etat sur la ligne de La Rochelle à Velluire, Fontenay, Aigrefeuille et Rochefort. Toutefois on a calculé que comme il faut au moins trois jours de travail pour modifier un wagon, ce ne sont pas moins d’un million de journées de travail qui attendent les cheminots s’il faut adapter l’ensemble du parc roulant des réseaux français, ce qui demanderait pas moins de dix années , à raison de 100.000 wagons par an, et en réduisant la capacité de transport de l’équivalent de 12.000 wagons du fait de l’immobilisation. La gageure est un véritable défi !
En 1949, le même genre de calcul montre que l’équipement des 3.300.000 wagons européens coûterait 6.552 millions de dollars, alors que l’on demande à l’Europe, pour les 40 années à venir par exemple, 982 millions de dollars d’économies, soit plus de six fois moins que la dépense pour les attelages automatiques !
Les mémoires d’un enfant du rail.
Longtemps après, l’écrivain Henri Vincenot est le dernier à revenir sur ce thème, dans son magnifique et émouvant ouvrage « Mémoires d’un enfant du rail » , qui décrit la mort tragique des caleurs et des atteleurs sur les faisceaux des triages, glissant sur les rails ou le sol gras la nuit, et tombant sous les roues des wagons surgissant en silence de l’ombre. La question des attelages automatiques ne sera plus guère abordée sous cet angle. Le vrai problème caché par la dimension humanitaire : la capacité de transport.

Le vrai problème: la capacité, donc le rendement.
C’est beaucoup plus le problème de la capacité de transport qui est posé que celui de la sécurité, en fait. Si les trains munis de l’attelage à vis ne dépassent guère une charge de 2500 tonnes, l’ attelage automatique permet de former des trains pouvant atteindre 10 000 tonnes, et c’est bien cet argument qui pourrait, seul, faire évoluer les choses.
La robustesse de l’attelage automatique en effet n’est pas limitée par le poids de pièces qu’il faut pouvoir manipuler à la seule force du bras et les attelages utilisés aux Etats-Unis et en Union soviétique ont une résistance à la rupture de 250 à 300 tonnes, qui correspond à un effort en service de plus de 100 tonnes. tandis que l’attelage à vis, même unifié type UIC monté sur un grand nombre de wagons européens, a une résistance à la rupture de 85 tonnes seulement, correspondant à un effort de traction de 30 tonnes.
De telles charges, toutefois, ne peuvent être supportés par les wagons de conception ancienne. C’est ainsi que, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les wagons de type courant commandés par la SNCF et dont les caractéristiques sont conformes aux normes de l’UIC comportent un châssis prévu pour supporter les efforts de choc et de traction transmis par le futur dispositif d’attelage automatique que l’UIC encourage désormais, et a inscrit à son ordre du jour sur la demande du Comité des Transports Intérieurs de la Commission Economique pour l’Europe.
C’est donc sur l’initiative de l’UIC que le débat est relancé en 1957. Après avoir procédé à des études, l’UIC lance un appel d’offres aux constructeurs, d’après un premier projet de Cahier des Charges qui prévoyait en particulier que l’attelage automatique européen devrait être un attelage complet, de traction et de choc, et qu’il devrait réaliser en outre l’accouplement automatique des conduites de frein et des canalisations électriques .
Mais cette initiative arrive presque trop tard. Sur le terrain, les choses ont évolué et se sont diverifiées. Les réseaux des pays de l’Est de l’Europe, groupés dans une association dite OSJD (Organisation pour la Collaboration des Chemins de fer) ont choisi un attelage automatique complet et compatible avec l’attelage soviétique. L’UIC décide en 1961 que le système européen devrait, lui aussi, s’accoupler directement à l’attelage russe sans pièce intermédiaire. En définitive, I’UIC et l’OSJD créent un cahier des charges unique. L’Office de Recherches et d’Essais (ORE) de l’U.I.C organise un programme important d’essais en 1963, avec le concours notamment, du Chemin de fer fédéral allemand et de la SNCF qui, elle, monte trois types d’attelages automatiques sur 60 wagons du parc, les essais se faisant à Villeneuve-St-Georges. Mais il n’est pas dit que la question sera définitivement oubliée, puisque la RGCF, aujourd’hui, lui accorde son attention.Mais, sur le terrain, l’attelage automatique ne progresse qu’avec l’apparition de matériels specifiques comme les rames automotrices, et l’immense monde du fret, son destinataire “naturel” pourrait-on dire, reste en attelage manuel.
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