C’est une question qui se pose souvent à toute personne aimant les chemins de fer. L’historien peut apporter une réponse dans la mesure où, premier parmi tous les modes de transport en ce sens, le chemin de fer a toujours publié de nombreux rapports, bilans, comptes-rendus et des milliers de documents concernant sa situation. Cette transparence s’explique par la forte présence des pouvoirs publics et des lois dans l’organisation et la gestion des chemins de fer en France, alors que la route, les canaux, l’air et autres moyens de transport, fortement privés, étaient tout aussi fortement pudiques, voire discrets sinon secrets, sinon carrément trompeurs en ce qui concernait leur situation financière et économique. Le chemin de fer a tellement écrit et publié que, aujourd’hui toujours et malgré deux Guerres mondiales pour les détruire, les documents ne manquent pas.
Alors : quelle époque fut l’âge d’or du chemin de fer français ? “Et maintenant, le gagnant est…..” Pas si vite : nous avons notre idée, mais comme dans les (bons) romans policiers, on apprendra le nom de l’assassin seulement à la fin.

Le réseau français de 1829 à 1870.
Le 26 février 1823, Louis XVIII signe le premier acte officiel ferroviaire français, l’ordonnance de la concession d’une ligne de 18 km reliant Saint-Etienne à Andrézieux et destinée à transporter la houille extraite de Saint-Etienne jusque sur les bords de la Loire. Le chemin de fer est conçu, à l’époque, comme un simple affluent “sec” du système des voies navigables assurant, elles, le transport des marchandises lourdes sur le plan national.
Si les travaux de la ligne St-Etienne – Andrézieux commencent en 1825, le 7 juin 1826, la ligne de Saint-Etienne à Lyon, longue de 57 km, est concédée aux frères Seguin pour assurer à la houille du bassin du Forez et aux produits industriels stéphanois un débouché sur la vallée du Rhône, puis vers le Midi, l’est et le nord-est de la France. Marc Seguin (1786-1875), promoteur du projet, trace les plans de la ligne et dirige les travaux, inventant ce que l’on appellera l’aménagement du territoire.
Ouverte en 1837, la ligne de Paris à Saint-Germain est la première ligne moderne française, destinée au grand public, assurant un transport de masse, gérée d’une façon commerciale, ce qui fait souvent oublier que le véritable berceau du chemin de fer français ne fut pas Paris mais St-Etienne. Ses deux premières années d’exploitation, 1838 et 1839, voient passer le chiffre incroyable de plus d’un million de voyageurs. C’est seulement alors que le système ferroviaire est lancé, et perçu comme une nouvelle dimension du transport national.
La longueur et l’activité du réseau ferré français depuis 1840.
Années | Longueur du réseau (km) | Milliards de voyageurs/km | Milliards de tonnes/km |
1840 | 548 | 0.11 | 0.037 |
1870 | 21.900 | 5.8 | 8.3 |
1900 | 36.800 | 14 | 16 |
1930 | 42.600 | 22.1 | 26.5 |
1950 | 41.280 | 26.4 | 38.9 |
1980 | 34.362 | 54.8 | 69.5 |
2000 | 31.554 | 71.9 | 57.5 |
2017 | 28.987 | 104.5 | 19.9 |
La loi de 1842.
Louis Legrand joue un rôle essentiel dans la mise en marche définitive du système ferroviaire français. Il devient, en 1837, sous-secrétaire d’état aux Travaux publics et il comprend l’importance des chemins de fer. Il trace un programme cohérent de construction d’un réseau national de grandes voies ferrées rayonnant à partir de Paris en direction des grands ports et des frontières qui sera dorénavant appelé « étoile de Legrand » et qui sera réalisé.
Les pouvoirs publics prennent le réseau en mains avec la loi du 11 juin 1842 qui définit le partage des tâches, le rôle de l’État qui construira les infrastructures et les ouvrages d’art, laissant aux compagnies les bâtiments, la pose des voies, la fourniture du matériel roulant et leur garantissant une compensation des pertes financières. Un réseau d’environ 2.500 km est prévu avec des grandes lignes nationales tracées au départ de Paris.

Un premier âge d’or des compagnies françaises (1845-1910) ?
Ce n’est pas certain, en dépit des apparences. En cette seconde moitié du XIXe siècle, le chemin de fer connaît un âge d’or sur le plan de ses constructions de lignes nouvelles (voir le graphique en tête d’article) et aussi de “parts de marché” pour reprendre un terme actuel, celui d’un monopole. La situation du chemin de fer commence à se dégrader bien avant la Première Guerre mondiale, quelques crises économiques venant. Les compagnies sont loin de vivre dans un paradis qui rapporte gros…
Constituée en 1854, la compagnie de l’Est succède à celle de Paris à Strasbourg qui a ouvert sa grande ligne deux années auparavant. Mais le réseau de l’Est sera malheureusement celui de trois guerres cruelles et de l’amputation de l’Alsace-Lorraine entre 1871 et 1918, et celui de trop nombreux trains de soldats, de blessés, de déportés.
Le chemin de fer du Nord est crée en 1845 et il est relié d’abord au réseau belge voisin avant de l’être à Paris en 1846 par la grande ligne Paris – Amiens – Lille avec embranchement à Douai pour Valenciennes. Desservant en finesse une grande région industrielle, la Compagnie du Nord connaîtra toujours une situation technique et financière très enviable grâce au transport du charbon et de l’acier. Il restera le meilleur élève de la classe jusqu’à la création de la SNCF, et continuera à exceller ensuite.
Formée en 1851, la Compagnie de l’Ouest s’étend à partir de Paris en direction de la Bretagne et de la Normandie, formée de rares grandes lignes reliant Paris à Brest ou à Cherbourg, et d’une infinité de petites lignes rurales peu rentables, laissant ce réseau dans une situation précaire.
La ligne de Paris à Orléans, ouverte en 1843, est celle qui fonde le réseau dit du PO, mais ce réseau ne se limite pas à cette seule ligne qui lui donne son nom, et s’étend rapidement sur le sud-ouest de la France. La ligne Paris – Bordeaux est ouverte en totalité en 1853, et en 1870 le réseau possède l’ensemble de ses grandes lignes desservant ou reliant entre elles Tours, Limoges, Brive, Montluçon, Aurillac, de nombreuses villes du Massif central.
Situé au Sud de la Garonne, le réseau du Midi naît en 1852 et construit d’importantes voies ferrées entre Bordeaux et Sète, Narbonne et Perpignan, Bordeaux et Bayonne, lignes ouvertes entre 1854 et 1858. Prisonnier de son fief entre Pyrénées et Garonne, ce réseau n’a pas de “tête” à Paris et essayera toujours d’échapper à son sort régional, investissant dans une technologie toujours très d’avant-garde.
Le grand réseau du Paris, Lyon et Méditerranée (PLM) formé en 1857 dessert tout le Sud-Est de la France jusqu’aux frontières avec l’Italie, la Suisse, jusqu’à la côte méditerranéenne, englobant de grandes villes comme Lyon, Marseille, Nice, de grandes régions touristiques comme les Alpes et la Côte d’Azur. Très brillant, faisant rouler de nombreux trains réputés, le PLM passe pour le premier des réseaux par la qualité de son vaste territoire. Il contribuera souvent à créer l’impression d’un âge d’or du chemin de fer français, notamment à la Belle Époque et durant l’entre deux guerres.
Les grandes compagnies sont donc en place durant ces années 1850 et, sous le contrôle de l’état qui accorde les concessions et une garantie financière, elles vont créer le chemin de fer français tel qu’il sera jusqu’à aujourd’hui, avec son réseau centralisé.

La situation des années 1870 à 1914.
Les années 1870 à 1914, quoique délimitées par des guerres, sont celles d’une France stable et prospère, qui connaît cependant ses premières crises, mais qui fait faire à son chemin de fer de très grands progrès décisifs et innovants. Si ses trains des grandes lignes sont rapides et performants, cette Belle époque est aussi celle du réel développement des trains de banlieue avec leur technique particulière enfin présente et au point.
Après la défaite de 1871 et pendant les années indécises des débuts de la Troisième République, les chemins de fer sont de nouveau l’objet d’un grand débat au sein d’une France qui tient à tourner la page et à retrouver sa place dans le mouvement des grandes nations. Le traité de Francfort, qui marque la victoire allemande, exige ce qui sera, dans les faits, une vente forcée à l’Allemagne (qui paiera) des chemins de fer de l’Alsace et de la Moselle. L’État français doit reverser à la Compagnie de l’Est une indemnité de 325 millions pour ses 740 km de lignes perdues, ce qui est à déduire des cinq milliards de francs que la France doit payer. L’État ajoute à cette indemnité la concession de 358 km de lignes nouvelles à créer sur la partie du réseau de l’Est restée française.
La chute de l’Empire relance un (déjà) vieux débat : le service public et la nationalisation.
Comme l’État est ainsi obligé de se manifester sur le devant de la scène ferroviaire, il relance, malgré lui, le débat de la nationalisation soutenu par Gambetta qui est entouré des adversaires des compagnies créées sous le Second empire. Le PLM est aussi mis en cause avec ses difficultés créées par un mauvais usage de la loi de 1865 sur les chemins de fer d’intérêt local. Cette loi voulait simplement prolonger par des lignes secondaires le réseau national, mais, sur le terrain, les départements s’unissent alors pour former de véritables consortiums qui concèdent et créent des lignes, soit à l’écartement réduit, soit même à l’écartement normal : une belle manière de qui dépasser le cadre de l’intérêt local et de faire financer le tout par le contribuable…. On envisage, à l’époque, pas moins qu’un « réseau du Sud-Est », ou une ligne Le Mans-Bordeaux et de deux verticales dignes du réseau à grande vitesse actuel que sont un Calais-Marseille et un Dunkerque-Perpignan !
Il est urgent de remettre de l’ordre dans le réseau ferré, et les conventions de 1875 s’en chargent et retirent aux départements et concèdent aux grandes compagnies toutes les lignes qui sont, dans les faits, des lignes d’intérêt national déguisées en locales. Dès 1876, et malgré les lignes abandonnées aux Allemands, 20.300 km de lignes d’intérêt général et plus de 2000 km d’intérêt local sont en exploitation, 9281 km d’intérêt général et 2446 km d’intérêt local sont en construction ou à construire.
Mais l’État n’est pas prêt à abandonner ces excellents contribuables que sont les chemins de fer, car, en 1869 par exemple, ils ont rapporté directement 57 millions au Trésor. En 1876, ils rapportent 160 millions.
L’Etat crée son réseau en 1878.
Le scénario a été invariable jusque-là : d’abord les investisseurs se présentent pour la construction d’une ligne, et, une fois la construction terminée, les spéculateurs se retirent et laissent au ministre des Travaux Publics d’assurer la continuité de l’exploitation des lignes en faillite, en attendant leur reprise ultérieure et très éventuelle par l’une des grandes compagnies.
Pour mettre fin à ces spéculations, l’État rachète 2615 km de lignes sans avenir perdues quelque part dans les Charentes, la Vendée, les régions de Nantes et d’Orléans, construites sans aucun plan d’ensemble, mal reliées et complètement isolées de Paris, et gérées d’une manière autonome jusqu’en 1882, année où cet ensemble est rattaché au Budget général de la nation, voté par le Parlement. Le réseau est alors perçu comme un, parmi d’autres, des services spéciaux de l’État qui s’administrent eux-mêmes, avec un budget propre, comme la Monnaie, l’Imprimerie nationale ou la Caisse des dépôts. C’est à cette époque que commence à se diffuser l’idée que les transports ferroviaires constituent une sorte de service public, que chaque région a droit à son désenclavement, quelle qu’en soit la rentabilité économique.

Le plan Freycinet : belle perspective sociale, mais pas vraiment économique.
Durant ces dernières années 1870, une autre question préoccupe la jeune Troisième République depuis son établissement : le choix et l’adoption d’un vaste programme de travaux publiés destiné entre autres à « retenir l’intérêt national ». Une large part est réservée au chemin de fer dans une France qui n’a pas encore besoin d’autoroutes, et fait aboutir, en 1879, sous l’égide d’hommes comme Dufaure, Gambetta et Léon Say, à la création d’un troisième réseau d’intérêt général introduisant le chemin de fer, non dans chaque chef-lieu de canton comme on l’a dit, mais dans les régions encore déshéritées comme les Alpes, le Massif Central et l’Ouest de la France. Ces 19 000 km de lignes nouvelles ainsi décidées par la loi du 17 juillet 1879 dite du plan Freycinet (du nom du ministre qui le dépose) vont donner un ensemble de lignes dont presque toutes sont déficitaires, et que l’automobile, à partir de 1910, réduira à néant. Le devis s’élevait à trois milliards de francs et les espoirs de recettes étaient maigres… Aujourd’hui encore, on ferme des petites lignes dites “de desserte fine du territoire” (LDFT) issues du plan Freycinet.




Une situation ferroviaire catastrophique au cœur d’une France prospère.
Le trafic voyageurs et marchandises a doublé depuis la fin de l’Empire, mais les tarifs du chemin de fer avaient au contraire continuellement baissé. Les produits agricoles et industriels étaient passés des marchés locaux aux marchés nationaux et internationaux grâce aux chemins de fer. Leur prix au départ avait augmenté (le vin avait triplé dans le Midi, par exemple) sans que le prix de détail à l’arrivée dans les plus lointaines régions ne s’accrût de plus de quelques francs. Cette faveur des épargnants et ce crédit solide dont jouissaient les compagnies ne fonctionnaient plus depuis longtemps dans l’intérêt capitaliste des actionnaires.
“L’impécuniosité, la désorganisation, l’insécurité et l’irresponsabilité” dit-on.
L’ancien réseau, formé des grandes lignes indispensables construites depuis 1840, voit ses produits kilométriques progresser d’une façon telle de 1864 à 1883 qu’il doit reverser 965 millions pour subvenir aux insuffisances du nouveau réseau, et les actionnaires, eux, ne touchent rien de plus pour autant. La belle situation qui existait depuis 1880 se gâte à partir de 1885 et pendant une dizaine d’années. Les compagnies doivent lutter contre leurs adversaires politiques et également contre leurs clients qui auraient souhaité des baisses de tarifs. Durant cette période d’avant-guerre, il y eut, vers 1900, une nouvelle demande de nationalisation générale, sans effet dans son ensemble et qui était provoquée par la situation d’une compagnie fort mal en point, celle de l’Ouest, voisine de celle de l’État, devenu un objet national de critique et de dérision, symbole de « l’impécuniosité, de la désorganisation, de l’insécurité et de l’irresponsabilité » dit la presse de l’époque. L’État sera bien obligé, en 1909, de racheter la compagnie de l’Ouest et de créer ainsi, à ses risques et périls, de grand réseau de l’État qui couvre alors la Normandie, la Bretagne, la Vendée, et une grande partie de la façade atlantique française.




Pourtant : ce seraient les plus belles années du chemin de fer en France ?
On pourrait le croire, et pour de nombreuses raisons. Le chemin de fer français est, au début du XXe siècle, en pleine maturité technique. Il crée l’essor industriel et, en conséquence, a profondément modifié la société. L’Exposition Universelle fait de Paris le centre du monde. Les chemins de fer de toutes nationalités ont une place de choix à cette exposition du siècle et la présentation de leur matériel impressionne les foules.
La prééminence du rail s’affirme donc dans la sûreté des techniques mises en jeu dans tous les secteurs. L’Atlantic Nord, présentée à l’Exposition, est une réussite complète, tant technique qu’esthétique. La Pacific apparaît peu après, à partir de 1907-1908, et se révèle comme étant la locomotive à vapeur par excellence. L’électrification des lignes commence à devenir une réalité et traction électrique détient, à partir de 1903, le record de vitesse absolu sur rails avec 210 km/h atteints en Allemagne. Le plus beau train, en France, est le Paris-Bordeaux, avec sa Pacific PO et ses lourdes voitures sur bogies à trois essieux, et qui sont d’un haut niveau de confort.






L’époque des premières électrifications : la fée électricité transformera la banlieue.
Suivant les principes mis au point et venant de faire leurs preuves sur les tramways, les réseaux du Chemin de Fer de Paris à Orléans, de l’Ouest et du PLM s’intéressent au début du siècle à l’électrification à base de courant continu 600 volts, mais en utilisant un troisième rail latéral comme conducteur positif, les rails de roulement étant utilisés comme conducteur négatif. C’est la ligne des gares du Quai d’Orsay à celle d’Austerlitz, inaugurée en traction électrique le 28 mai 1900, qui représente la première grande réalisation française. Cette ligne, longue de 3 800 m, comporte un parcours important en tunnel et une rampe de 11 pour mille pour accéder dans la gare d’Austerlitz. Elle est prévue, dès la construction, en traction électrique par courant continu 600 volts distribué par troisième rail et exceptionnellement en gare d’Orsay par un conducteur aérien rigide constitué par un rail en section en forme de T. L’alimentation par le troisième rail est d’ailleurs rapidement prolongée sur 17 km jusqu’à Juvisy en 1903 afin de constituer une desserte de banlieue cohérente. Le mouvement est donc bien lancé, et c’est l’acte de naissance de la traction électrique en banlieue parisienne. Mais que l’on ne s’y trompe pas : la traction vapeur ne disparaîtra de la même banlieue qu’au début des années 1970 ! La traction électrique n’a pas créé son propre âge d’or.
Toutefois, le démarrage de la traction électrique se fait sur les lignes de banlieue et, à la même époque, et dans la dynamique de l’Exposition universelle, la ligne de Paris-Invalides à Versailles-Rive-gauche est ouverte partiellement à l’exploitation le 1er juillet 1901, et la traction électrique mise en service de Paris à Issy-les-Moulineaux. En raison du souterrain de 3500 m prévu entre Meudon et Chaville, en rampe de 8 pour mille, la traction vapeur est exclue dès l’origine, et par décision ministérielle de 1898, la traction électrique à courant continu 600 volts par rail latéral est autorisée.
D’autre part, en même temps que sur le réseau du Paris-Orléans, deux trains automoteurs sont mis en service, du type à commande à réversibilité et unités multiples, selon la technique déjà utilisée depuis quelques années aux États-Unis par les firmes Thomson et Westinghouse.
Puis, en 1910, la Compagnie État met en service une série de 18 automotrices dont on peut dire qu’elles constituent une étape importante dans le domaine de l’automotrice électrique. De vastes dimensions, très inusitées pour l’époque, avec une longueur de 22 m, une largeur de 2,93 m et une hauteur de 4,06 m entre rail et lanterneau, d’aspect également très particulier, ces automotrices comportent un équipement électrique Sprague-Thomson.

La grande avancée technique (1920-1980)
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le chemin de fer sait qu’il est en péril : non seulement les moyens de transport concurrents, au premier plan l’automobile et le camion, mais aussi l’avion, commencent à le tuer inexorablement, écrémant les meilleurs trafics, vidant les trains de luxe de leurs voyageurs. La réponse au péril est l’innovation : c’est ainsi que les périodes les plus difficiles, dans l’histoire des techniques comme des entreprises, sont celles qui connaissent le plus grand nombre d’inventions, de mutations. La fuite en avant pour survivre se fait avec des locomotives plus performantes que jamais, notamment les Pacific. Mais un autre ennemi vient participer à la mise à mort annoncée du chemin de fer : la crise économique. Les années 1920 et 1930 en connaîtront de nombreuses, vidant des trains de marchandises et les gares de triage de leur trafic vital. Les années qui suivent la Seconde Guerre mondiale ne seront que la poursuite de la même tragédie, la guerre ayant laissé un sursis au chemin de fer, car il est, faute de carburant et de pneumatiques pour la route, le seul moyen de transport possible. Une fois la paix revenue, on oubliera les services rendus par le chemin de fer, et on oubliera qu’il a sauvé la nation.
Voyages et voyageurs de l’entre deux guerres et des « trente glorieuses ».
De l’entre deux guerres au « trente glorieuses », le chemin de fer continue son déclin amorcé vers 1910. Au début de notre siècle, le chemin de fer règne encore sans partage sur le transport des voyageurs. Les distances parcourues par les locomotives des réseaux français, par exemple, et entre 1873 et 1910, n’ont cessé d’augmenter, puis ont décru jusqu’en 1921 pour remonter ensuite jusqu’en 1939. Après la guerre, les chemins de fer ont trouvé une reprise tardive durant les années 1950. Il y a donc bien croissance, même si elle est irrégulière. Mais les chiffres seuls ne disent pas que l’augmentation de la demande de transport a été bien plus forte encore, et que le chemin de fer n’a jamais cessé de perdre de plus en plus sur sa part relative dans le marché national du transport, donc de perdre de plus en plus d’argent.
Lorsque le chemin de fer voit naître de très dangereux concurrents sur les routes, il lui faut bien songer, pour retenir les voyageurs à revenus modestes, à offrir plus de confort en 3ᵉ classe. Ceci se produit notamment vers les années 1910-1920 quand le trafic des marchandises commence à régresser : il faut maintenir le niveau des rentrées d’argent et compenser la chute du trafic marchandises par une hausse du trafic voyageurs. Il faut donc attirer ces voyageurs, et la vitesse est une offre séduisante. Elle n’est pas encore à l’ordre du jour pour les trains. En 1937, Lille était atteint à 110 km/h de moyenne commerciale, ou Dijon à 105 km/h, ou Marseille à 93 km/h. En presque 30 années, les progrès en matière de vitesse moyenne sont de l’ordre de 10 % environ pour l’ensemble du réseau – mais, c’est vrai, avec l’épreuve de la guerre entre temps. Le train n’est pas encore positionné, commercialement, dans ce domaine. Les années 1960 verront de timides progrès en réponse à la DS19 et aux autoroutes : les 610 millions de voyageurs de la SNCF se contentent, pour le service d’hiver 1964-65 par exemple, d’aller de Paris à Lyon à 128 km/h de moyenne, à Bordeaux à 121 km/h, à Brest à 101 km/h, Nice à 105 km/h, Lille à 120 km/h – et quand même Dijon à 133 km/h pour la vitesse la plus élevée.

Mais pour les années 1960, le trafic voyageurs a augmenté de 78 % depuis 1938 ou de 36,1 % depuis 1929, année de la veille de la grande crise qui frappera le chemin de fer aussi. Le parcours moyen des voyageurs passe, entre 1929 et 1965, de 36,9 à 61,4 km. Avec 38,4 milliards de voyageurs-kilomètres, la SNCF, en 1966, est encore en avance sur les transports collectifs routiers qui n’en totalisent que 20 milliards, ou l’aviation intérieure qui n’en totalise que 8. Toutefois, cette augmentation est le fait d’une urbanisation croissante qui, en 1962, a atteint 64 % de la population nationale et qui impliquera un fort accroissement du trafic banlieue, d’une part, et, d’autre part, de plus en plus de déplacements entre grandes villes effectués par une clientèle urbaine. Si, donc, la SNCF se lance, avec la RATP, dans la grande aventure du RER déjà en cours de construction, le problème des voyageurs grandes lignes et entre grands centres urbains reste à l’ordre du jour et fera l’essentiel de la politique de traction des années à venir.
La perte irrémédiable du transport des marchandises.
Avant le chemin de fer, le transport des marchandises lourdes est très difficile et cher, sauf par les rares voies fluviales ou par mer. Pendant tout le XIXe siècle, seul le chemin de fer offre l’infrastructure, la puissance de traction, la vitesse commerciale nécessaires pour offrir un service efficace et développer l’industrie autour du transport des matières lourdes. Mais durant le XXe siècle, la route, et même l’air, lui prennent ce trafic dans lequel, pourtant, il est le seul à exceller vraiment.
En 1918, comme en 1945, le chemin de fer assure le redémarrage de l’économie et de l’industrie, après avoir été pratiquement seul à le soutenir pendant la guerre, faute de d’essence et de pneus pour les transports routiers alors presque complètement paralysés. Mais, très rapidement, la route renaît de ses cendres une fois la paix réinstallée, et reprend sa progression foudroyante, assurant, avec souplesse et efficacité, et bien mieux, il faut le dire nettement, les transports que le chemin de fer assurait mal jusque-là comme les colis, les denrées périssables.

Durant les crises économiques des années 1930, l’opinion publique réclame un bouc émissaire et le chemin de fer est le fautif tout trouvé : l’homme de la rue comme l’homme d’État attribuent volontiers le déficit ferroviaire au caractère anarchique de la concurrence qui est faite par les autres modes de transport, et surtout de la part de la route, et, dans une moindre mesure, de la navigation fluviale. Le Conseil Économique et Social de 1934 propose une réglementation créant des licences ou des autorisations pour tous les types de transports publics, avec contrôle des tarifs dans le but d’éliminer l’écrémage du trafic dont le chemin de fer est victime de la part des autres moyens de transport qui s’adjugent ce qui rapporte le plus et lui laissent ce qui relève d’un service public et ne rapporte pas. Cette action aboutit aux décrets-lois de 1934 qui freinent l’expansion de la navigation intérieure et du camionnage (limitations de tonnages, empêchement de création de nouveaux itinéraires, etc.) et qui accroissent l’autorité de l’État dans tout ce qui est transports, attribution de parts de marché, création de lignes ou d’itinéraires. Le chemin de fer bénéficie d’un répit de courte durée. Dès la Libération, et plus particulièrement pendant les années 1950 et 1960, le trafic routier reprend de plus belle et le réseau ferré, bien que toujours protégé par des mesures officielles de coordination devant assurer une répartition des trafics, diminue inexorablement, l’ensemble de ses petites lignes rurales fermant les unes après les autres après avoir été submergées de trafic durant la guerre.
Les camions des années 1950 roulent à 50 km/h et peuvent porter jusqu’à 12 tonnes dans le cas des camions porteurs 6×4, c’est-à-dire à châssis sur deux essieux arrière, avec ou sans remorque, éventuellement portant la charge totale à une trentaine de tonnes. Les camionneurs s’organisent dans un grand esprit d’entraide, avec, en particulier, les fameux relais routiers. Mais ils conduisent jour et nuit, remontant, par exemple, les fruits et les primeurs de la Vallée du Rhône par les routes nationales 6 ou 7 jusqu’aux Halles de Paris où ils arrivent au petit jour. Le même mouvement se constate dans toute l’Europe. Les triages et les gares de marchandises commencent à se vider.


L’ère des “Pacific”.
On assimile volontiers la “Pacific” et l’âge d’or. La locomotive à disposition d’essieux type 231 est, par excellence, la locomotive pour trains rapides des années d’entre les deux guerres, même si elle est née au début du XXe siècle aux États-Unis avant de se généraliser en Europe. C’est la locomotive française la plus répandue, la plus connue du grand public, notamment sous la forme de la Pacific PLM, construite à 462 exemplaires entre 1909 et 1932.
Pendant la totalité du XIXe siècle, les trains de voyageurs sont légers puisque les voitures ont une caisse en bois, et sont, en général, assez petites. Les trains les plus lourds pèsent entre 200 et 300 tonnes. Mais des exigences de confort et de sécurité fortement accrues conduisent les compagnies, malgré elles souvent, à adopter des voitures métalliques et de dimensions plus généreuses. Le poids des voitures grimpe alors jusqu’à 40 et même 50 tonnes. Les locomotives pour trains rapides et express de l’époque sont du type 220 ou 221. Leur faible poids, leur petite chaudière donnant une faible puissance de traction, et leurs deux essieux moteurs ne peuvent plus faire face à la lourde tâche qu’est la traction de trains atteignant 400 à 600 tonnes. Comme la majorité des compagnies européennes et américaines des années précédant la Première Guerre mondiale, le réseau français est confronté au problème de l’insuffisance de puissance de ses locomotives et se lance dans la construction de locomotives de vitesse à trois essieux moteurs. Si certains réseaux se contentent du type 230, par simple adjonction d’un essieu moteur supplémentaire, le PLM ou le PO font partie de ceux qui mettent le problème à plat, et étudient intégralement de nouvelles locomotives et engagent des 231 sur leurs grandes lignes.
Peu avant la Première Guerre mondiale, les écoles de pensée s’affrontent encore en matière de conception de locomotives. D’un côté, principalement en Allemagne, Europe Centrale, au Royaume-Uni, les partisans de locomotives simples, économiques et robustes, préconisent la locomotive à simple expansion – c’est-à-dire ne faisant travailler la vapeur qu’une seule fois. D’autres, essentiellement en France, optent pour des locomotives performantes, très puissantes, quitte à ce qu’elles soient plus complexes et délicates, et préconisent la locomotive « compound », autrement dit à deux cylindres haute pression et deux cylindres basse pression dans lesquels la vapeur travaille deux fois de suite, générant une forte puissance pour une consommation modeste, mais demandant une conduite plus fine, un entretien plus minutieux, et de réelles qualités professionnelles de la part des équipes de conduite. Les Pacific françaises, notamment celles du PO dont l’ingénieur André Chapelon parvient à doubler la puissance grâce à son savoir-faire de thermodynamicien, marqueront l’histoire des chemins de fer mondiaux.

La “Pacific” Chapelon, locomotive mythique.
Initialement construite à partir de 1909 par la Compagnie du Paris-Orléans (qui dessert, en fait, tout le Sud-Ouest de la France), cette très belle série de Pacific est transformée, à partir de 1929, dans les ateliers de Tours par un ingénieur de grand talent : André Chapelon. Celui-ci est un thermodynamicien issu de l’École Centrale et il est persuadé, contrairement à ce que pensent les ingénieurs depuis les débuts du chemin de fer, que l’on peut augmenter considérablement la puissance des locomotives à vapeur en jouant sur le dessin des passages de vapeur, sur la température de la vapeur, sur le système d’échappement de la vapeur dans la cheminée.
Il obtient, après un refus de la compagnie du PLM, de pouvoir faire des essais de transformation d’une locomotive de la compagnie du Paris-Orléans, la N° 3566, et les résultats sont étonnants, passant d’une puissance de 2.000 ch à plus de 3.000 ch, avec des consommations, à puissance égale, inférieures de 25 % ! La Compagnie du Paris-Orléans décide alors de transformer toute une série de “Pacific” et certaines atteindront jusqu’à 3.400 ch en tête de trains de 1 000 tonnes.
La compagnie du Nord, toujours à la recherche de hautes vitesses, s’intéresse alors aux locomotives transformées par André Chapelon, et commande à la compagnie du PO une série de 48 locomotives. Très vite surnommées les “Chapelon” sur le réseau du Nord, ces machines accomplissent des exploits remarquables, roulant à plus de 130 km/H en tête de trains très lourds. Une “Chapelon” put atteindre, très normalement, 170 km/h lors d’essais de pousse de locomotives de type électrique sous des caténaires en 1956. Les dernières rouleront en 1968.


L’ère des 2D2, aussi.
Ces années d’entre les deux guerres voient aussi le démarrage de la traction électrique sur les grandes lignes, avec des machines comme la 2D2 qui battent des records de vitesse et de puissance. La 2D2 est le type même de la première locomotive électrique de vitesse, puissante et sûre, et surtout capable de détrôner la traction vapeur. Étudiées par les sociétés suisses Brown-Boveri et SLM Winterthur, construites en France, elles circuleront, à partir de 1926, sur les grandes lignes du Sud-Ouest en tête de trains rapides lourds à 140 km/h.
Depuis la fin du XIXe siècle, pourtant, la traction électrique est étudiée, perfectionnée, mais ne peut sortir du « ghetto » des transports urbains, des lignes de montagne, ou de certaines lignes ayant beaucoup de tunnels. Faute de puissance, de fiabilité, la locomotive reste cantonnée dans ces usages spéciaux, or, depuis ses débuts, le chemin de fer a toujours cherché à échapper aux contraintes de la traction à vapeur que sont une conduite pénible, de longues heures de préparation pour un faible temps de parcours, un rendement très bas, la fatigue des voies, ceci en dépit de réelles qualités de robustesse et de réelles performances des locomotives. De nombreux essais de traction électrique se font durant le XIXe siècle, mais en vain. C’est au lendemain de la grande guerre de 1914-1918 que se développe, en France, la traction électrique sous courant continu 1500 volts et que la compagnie du Midi électrifie ses lignes des Pyrénées, puis ses grandes lignes.
La compagnie du Paris-Orléans, qui dessert surtout les grandes villes du Sud-Ouest comme Bordeaux, Tours, Limoges, électrifie progressivement ses lignes à partir de 1926 et utilise le type suisse 2D2 qu’elle saura faire évoluer techniquement durant les années 30. Des trains de plus de 400 tonnes, et souvent de 500 ou 600 tonnes, sont remorqués à 120 ou même 140 km/h sur des parcours difficiles, ceci avec facilité, souplesse d’exploitation, disponibilité permanente des locomotives, aisance de conduite. Des pointes de vitesse à 150 km/h étaient possibles.
Cette disposition d’essieux type 2D2, c’est-à-dire un bogie porteur avant, quatre essieux moteurs, un bogie porteur arrière, est inspirée de la locomotive à vapeur: les ingénieurs préfèrent rester fidèles au bogie porteur qui guide la locomotive et l’inscrit en courbe, même si, contrairement aux locomotives à vapeur, il n’y a pas de mouvements parasites de lacet et de roulis engendré par des pistons et des bielles. Le bogie porteur ne sera abandonné qu’après-guerre avec les nouvelles locomotives de vitesse type CC puis BB. Les 49 locomotives 2D2 du PO, et les 23 locomotives 2D2 du réseau de l’État, forment un parc homogène et très remarqué apporté à la SNCF lors de sa création en 1938. Et pour l’électrification de la ligne Paris-Lyon, entreprise durant les années 50, la SNCF développera encore le type 2D2 avec 35 nouvelles locomotives, série 2D2 9101 à 9135 qui marqueront l’apogée et la fin de ce type de machine. Les nouvelles générations de locomotives seront du type CC ou BB, sans essieux porteurs, uniquement donc sur essieux moteurs – disposition dite « à adhérence totale ».

Pour les voyageurs : la sécurité, enfin, et le confort en prime.
Quelques belles catastrophes avec des voitures à voyageurs en bois pulvérisées et réduites en allumettes, mais dont les châssis restent intacts bien qu’empilés ou dispersés, voilà qui finit par convaincre les dirigeants du chemin de fer français que la voiture tout métal, qui certes coûte cher, préserve la vie, et que la vie vaut d’être vécue. Assurément, des catastrophes, le chemin de fer n’attend pas pour en connaître dès ses débuts : il y a eu celle de Meudon en 1842, mais elle n’est pas le fait d’une collision entre deux trains, et elle reste, par son importance, relativement isolée dans l’époque des débuts du chemin de fer. Les vraies catastrophes commencent à se multiplier vers la fin du XIXe siècle et au début du XXe quand, d’une part, les trains se multiplient et saturent le réseau et se rencontrent sur les bifurcations ou se rattrapent en ligne, et, d’autre part, quand ces trains sont remorqués par des locomotives puissantes, rapides, et très lourdes et qui, de leur centaine de tonnes lancées à 90 ou 100 km/h, écrasent les voitures en bois des trains qu’elles heurtent.
Mais l’idée d’assurer la sécurité des voyageurs par des voitures entièrement métalliques, lourdes et robustes, fut longue, très longue, à faire passer dans les actes… car la voiture de chemin de fer, dès ses origines, reprend les principes constructifs des voitures à cheval dont elle est une descendante. Elle est donc en bois, et comporte, comme la diligence ou les carrosses, des compartiments, des portières et des vitres. Le châssis est en bois, lui aussi, laissant seuls les organes de roulement être en fer. Les contraintes mécaniques issues des efforts de traction et de freinage exigent le châssis métallique dans un ensemble pesant plusieurs dizaines de tonnes qu’est un train : nous sommes loin de la voiture à cheval circulant seule et ne connaissant de contraintes que celles posées par son poids seul. La voiture à caisse en bois et châssis métallique est donc la norme du chemin de fer du XIXe siècle et même de la première partie du 20ᵉ siècle, et elle représente une étape de transition qui, par la force des choses, gênera le passage à l’étape suivante qu’est la voiture entièrement métallique. Les compagnies de l’entre deux guerres vont jusqu’à se contenter d’une simple métallisation partielle de voitures à caisse en bois, visant toujours la solution la plus économique.
Devant la nécessité – ou plutôt la pression de l’opinion et des pouvoirs publics, devant aussi le modèle américain de la voiture métallique lourde, certains des réseaux français créent en 1919 un organisme commun, l’Office Central d’Études de Matériel de chemin de fer (OCEM), organisme qui finira par regrouper l’ensemble des réseaux en 1929. Une des tâches assignées à l’OCEM est l’étude d’une voiture à voyageurs standard, entièrement métallique, et devant être construite par l’ensemble des constructeurs et des fournisseurs des réseaux.
Construite en grande série à partir de 1928-1929, cette voiture se caractérise par sa robuste caisse à rivets, ses brancards de châssis boulonnés, des tôles des faces et du pavillon rivées aux arceaux et aux montants formant ossature. Les séries ultérieures comporteront, à partir de 1929, des faces dont les rivets sont à tête fraisée donnant des faces lisses et un aspect net. Puis les dernières générations furent des voitures entièrement soudées. Le nombre des voitures OCEM à rivets a atteint 1.036 exemplaires, tandis que les voitures à faces lisses ou soudées ont atteint 862 exemplaires. Ces voitures ont formé l’ensemble des trains des grandes lignes entre 1924 et les années 1960, époque à laquelle elles sont chassées de ces services nobles par les nouvelles voitures SNCF livrées à partir de 1948, dites voitures DEV. La nouvelle et dernière grande révolution sera la voiture Corail, apparue en 1975, et circulant à plus de 3.000 exemplaires, et toujours en service.



Les wagons à marchandises aussi.
Une des tâches, pour l’OCEM, est aussi la création du nouveau matériel marchandises à petite vitesse : en cette époque encore bénie pour le chemin de fer, le transport des colis et du détail n’a pas encore été ravi par la route, et les petites gares sont actives, y compris dans le domaine des marchandises. Le nouveau matériel constituant le parc des wagons à 2 essieux de 20t aura un écartement d’essieux porté à 4.500 mm, alors que, jusque-là, on avait limité cette dimension à 3.750 mm du fait du faible diamètre des plaques tournantes sur lesquelles on tournait les wagons. L’armée américaine, pendant la Première Guerre mondiale, a utilisé en France environ 38 000 wagons à bogies, donc de grande longueur. Les réseaux français les récupèrent et leur utilisation demande désormais que l’on abandonne le système des plaques tournantes dans les gares et les dépôts au profit d’appareils de voie. L’OCEM peut ainsi préconiser un matériel plus long.
Ce nouveau matériel créé par l’OCEM sera aussi muni du frein continu. Il pourra comporter une charge pouvant aller jusqu’à 20 t par essieu. Le tombereau OCEM 1929 est, en fait, issu du type unifié de 1919 déjà conçu par les anciens réseaux, et dont il reprend les dimensions générales et l’aspect, à l’écartement des essieux près qui passe de 3750 à 4500 mm. Mais ce tombereau est construit entre 1930 et 1942, ce qui lui assure déjà une longue existence sur le réseau national. Le couvert OCEM aura transporté de tout pendant son interminable carrière sur l’ensemble des réseaux français. Long de 8, 89 m (ou de 9, 52 m pour les modèles à guérite), large de 2, 96 m, il accepte 20 tonnes sur un plancher de 20 m². Il est doté de deux portes latérales, une par face. Son immatriculation en KKuw ou KKuwf l’a rendu célèbre, tout comme pour d’autres raisons très tristes, le fameux « 40 hommes – 8 chevaux en long » qui a fait de ce couvert le symbole du souvenir de la déportation.



L’OCEM a aussi étudié des wagons surprenants, si l’on tient compte des dimensions ou des charges de l’époque. Par exemple, le wagon plat, long de 22,50 m, bat un record à une époque où les plus grandes longueurs, en marchandises, ne dépassent guère la dizaine de mètres. Destinés au transport de rails pouvant atteindre 22 m, ils ont été très utilisés par les aciéries pour le transport de fers ronds utilisés dans le ciment armé. Montés sur bogies de type « Diamond » américains situés à 148, 60 m l’un de l’autre, ils s’inscrivent facilement en courbe, mais leur grande longueur demande alors une faible largeur réduite à 2,13 m (au lieu de 3,10 m) pour éviter que le débord des extrémités ou du centre ne vienne engager le gabarit et heurter des obstacles.
Accepter une charge de 40 tonnes à une époque où 10 à 20 tonnes sont des charges déjà importantes, voilà un autre exploit des wagons OCEM, notamment un gros tombereau à bogies. Le wagon vide pèse 20 tonnes, et, chargé, il respecte la limite de 16 tonnes par essieu imposée par l’ensemble des réseaux européens de l’époque. Long de 11, 50 m, large de 2, 85 m, sa hauteur totale n’est que de 3, 10 m ce qui lui permet de passer sous les estacades de chargement des usines ou des mines. La caisse offre un volume de 52, 5 m³, et elle est munie de 3 portes doubles latérales dont la largeur entre montants est de 1, 45 m.
C’est ainsi que, au milieu des années 1960, la SNCF transporte 248 millions de tonnes de marchandises dont, principalement, des produits métallurgiques, des combustibles, des minéraux, des matériaux de construction. Les denrées périssables et les colis représentent un trafic que la SNCF perd de plus en plus du fait de la concurrence routière. Mais les activités industrielles et commerciales ont ralenti, et l’évolution économique a encore plus creusé l’écart entre les tarifs SNCF et les prix et salaires. Les recettes marchandises qui avaient seulement augmenté de 6 % en 1963, ont progressé de 2,1 % en 1964 et reculé de 1,5 % en 1965, et ne cesseront de reculer durant la décennie et la suivante.
Le prix de la vraie « bataille du rail ».
La SNCF est créée en 1938, et elle a devant elle une tâche immense à accomplir : la fusion, la modernisation, et l’unification technique du réseau français hérité des anciennes compagnies, désormais nationalisé. Mais un an et demi après la nationalisation, la société nationale affronte une tâche écrasante, servir la mobilisation générale, faire la guerre, en réparer les dégâts.
La guerre, aussi surprenant que cela puisse paraître, offre deux atouts à la SNCF : elle solidarise d’abord les cheminots des anciens réseaux jusque-là très séparés les uns des autres par des cultures professionnelles et des habitudes très différentes. Et, deuxième atout, la guerre, en faisant disparaître l’essence et les pneus, redonne subitement au chemin de fer son rôle de seul grand transporteur national, perdu un demi-siècle plus tôt.
Malheureusement, la SNCF paie cher son statut retrouvé de grand transporteur national, et d’immenses destructions de guerre visent, à travers elle, à paralyser la vie économique du pays ou à entraver considérablement les mouvements des armées de l’envahisseur. Le chemin de fer reste un objectif de choix pour les innombrables bombardiers américains, anglais ou allemands venus détruire les grands triages de la région parisienne comme Trappes ou Vaires.

Une situation surréaliste.
Dans une France coupée en deux par la ligne de démarcation, seul le chemin de fer peut circuler sans solution de continuité ; de plus, quelques lignes téléphoniques directes de Paris à Vichy ne sont pas coupées. La gare d’Avricourt, entre Paris et Strasbourg, retrouve sa situation de gare frontière de 1871. Sur les grandes lignes ne circulent qu’un train de jour et un de nuit, très lentement, surchargés au maximum, à 15 voyageurs par compartiment et à 20 voitures par train Le train de nuit Paris-Lyon a une locomotive type 140 (pour marchandises), deux voitures et 30 wagons de marchandises, et, les destructions aidant, un parcours de 500 km peut en demander le double en passant par les lignes ouvertes çà et là… Le cinéma, qui aime tant le chemin de fer et la guerre, met encore en scène ces voyages héroïques. Mais le chemin de fer fonctionne prodigieusement, avec un charbon rare, sans moyens d’entretien, peu d’huile de graissage ou pas du tout selon les jours, avec des gares pulvérisées par les bombardements ou les sabotages, des locomotives. Les cheminots sont incroyablement actifs et, tout en gênant sans cesse les mouvements des trains roulant pour l’occupant, ils accélèrent les autres, reconstruisant à temps ponts et appareils de voie qui sauteront de nouveau peu après.
Le réseau français pendant la guerre.
Une fois la France vaincue et occupée, l’armée allemande prélève 5.000 des 17.000 locomotives à vapeur, 10.500 des 28.300 voitures, et 270.000 des 457.000 wagons à marchandises de la SNCF. La traction électrique et diesel ne souffre d’aucun prélèvement, pratiquement, ceci pour des raisons de différence de courant traction entre la France et l’Allemagne, ou de pénurie de carburant, ou de différence de conception et de maintenance. On signale cependant des prélèvements de locomotives dans le but d’un essai de transformation pour leur permettre de fonctionner sous le courant allemand monophasé à fréquence spéciale de 16 2/3 Hz, ou sous le courant italien triphasé. Ces essais, on s’en doute, ne donneront rien et seuls les progrès de l’électronique permettront aujourd’hui de parvenir à une solution satisfaisante pour faire fonctionner des rames quadricourant en Europe.
Les destructions pendant la fin de la guerre sont considérables, et sont aussi à imputer non seulement aux actions allemandes proprement dites, mais aussi aux actions des bombardements alliés, de l’armée française lors de mouvements de repli, de la Résistance cherchant à paralyser les mouvements de l’armée allemande. La guerre, pour la SNCF, ce fut aussi et surtout 8.938 cheminots tués et 15.977 blessés : un très lourd tribut payé par le chemin de fer français à la Seconde Guerre mondiale.
Une reconstruction rapide.
Les difficiles années 1943 et 1944 voient une SNCF rétablissant ses lignes immédiatement derrière les progressions des troupes alliées. Par exemple, le 28 août 1944, trois jours après l’entrée des troupes du général Leclerc dans Paris, le premier train provenant de Cherbourg entre en gare de St-Lazare, mais, c’est vrai, en passant par Mezidon, Alençon, Le Mans, Chartres, Dreux et Maintenon. Au 1er octobre 1944, on peut se rendre de Paris à Lyon, puis Marseille, ou dans le Nord, par des itinéraires très indirects mis en service. En 1945, la circulation des trains n’est que de 30 % de celle de 1939 et en 1948 elle est de 70 % seulement. La pénurie est celle des locomotives : si le parc de 17.000 locomotives d’avant-guerre est réduit à 12.000 restées sur le sol français, à peine 3.000 passent pour réellement utilisables, et les autres non, faute de pièces, faute de temps et de lieux pour les réparer, faute d’hommes pour le faire.
A la fin de la guerre, environ 32.000 km de lignes sur les 40.000 du réseau sont inexploitables, 115 gares sur 300 sont détruites, ou 74 grands dépôts sur 130, 60 % des installations sont à reconstruire avec 2.063 ponts détruits ou 70 tunnels obstrués et 668 postes d’aiguillages détruits. Mais il est à noter que cette reconstruction est très rapide et exemplaire, puisque terminée pour 1948, année qui connaît un trafic de 55 % supérieur à celui de 1938.



Les années “200 km/h” : la rupture avec le passé.
Le « Capitole » est un grand train en trois mouvements et il marque la volonté d’une équipe d’ingénieurs de la Direction du Matériel SNCF de changer le chemin de fer français et de le faire entrer dans l’ère de la grande vitesse, une réalité qui demandera, après les essais de 1955 à 331 km/h, pas moins de trois décennies pour exister à partir des années 1980.
Très connu dans le monde entier quand il roule à 200 km/h à partir de 1967, ce train existe pourtant depuis 1960, mais il mène alors une existence discrète. La SNCF des années 1960 n’est pas encore portée sur la grande vitesse, en dépit des enseignements des essais des Landes qui ont lieu en 1955 avec la BB 9004 et la CC 7107, et à 331 km/h. C’est l’époque des trains lourds, lents, rares, mais très économiques et très rentables, tels que les pouvoirs publics l’ont assignée au chemin de fer pour laisser la part belle à l’avion et à l’automobile. C’’est pourquoi, quand la SNCF crée, le 15 novembre 1960, une relation nommée « Capitole » entre Paris et Toulouse, ce train ne roule que trois fois par semaine, sous les numéros 1009 dans un sens et 1010 dans l’autre, accessibles uniquement en première classe pour une clientèle d’hommes d’affaires pas encore séduits par les « Caravelle » qui font le même parcours, mais à un tout autre tarif.
Le « Capitole » quitte Paris les mardis, jeudis et samedis, et revient de Toulouse les lundis, mercredis et vendredis, s’arrêtant à Limoges, Brive, Cahors et Montauban. Le trajet de 712,3 km s’effectue en sept heures, donc à une vitesse moyenne commerciale un peu supérieure à l’emblématique « cent à l’heure » qui permet, en ces périodes dans lesquels l’autoroute n’existe pas encore entre les deux villes, de damer le pion à la DS 19. Les trains partent vers 17 heures et arrivent à minuit : les dernières heures doivent être longues…
Premier temps : l’époque du train inoxydable (1960-1967).
La composition de ce train est, à l’époque, tout à fait identique à ce que l’on trouve sur d’autres grandes lignes de la SNCF pour des trains analogues comme les Paris-Bâle ou Paris-Lille, avec quelques voitures A9 du type DEV en acier inoxydable, une voiture-restaurant de la CIWL et éventuellement un fourgon s’il n’y a pas de voiture mixte-fourgon. Comme la ligne de Paris à Toulouse est électrifiée et en courant continu 1500 volts, on met en tête le « nec plus ultra » de l’époque : une BB 9200. On ne peut pas dire que le train remporte un succès immense, et, même, la SNCF l’arrête pendant le service d’été suivant, de juin à septembre 1961.
Le « Capitole » est en circulation au service d’hiver 1961/1962 chaque jour, dans les deux sens, sauf les samedis et les dimanches. De nouveau supprimé pour les services d’été qui suivent, il circule à des vitesses légèrement améliorées, la SNCF parvenant à grignoter des kilomètres-heures grâce à des travaux de voie avec un temps de trajet ramené à 6 h 45 (105,5 km/h), puis à 6 h 40 (106,9 km/h) au milieu des années 1960. Une bonne campagne de publicité commence à donner à ce train une image de marque favorable, et le train doit être dédoublé les vendredis, entre Paris et Limoges, ensuite entre Paris et Brive.
Deuxième temps : l’époque du train rouge (1967-1970).
Le 28 mai 1967, la SNCF frappe un très grand coup avec un train roulant, pour la première fois dans l’histoire du rail français, en service commercial à la vitesse maximale de 200 km/h, ceci selon la volonté du ministre des Transports Edgar Pisani sur suggestion très ferme de l’ingénieur Fernand Nouvion qui est allé chercher en dehors de la SNCF l’appui d’un ministre pour pouvoir instaurer la grande vitesse. Des essais ont lieu sur la voie 2 entre les Aubrais et Vierzon, avec la BB 9291 et des CC 40100. Les rapports d’engrenage de quatre locomotives BB 9200 sont modifiés pour donner un développement plus long, les bogies des voitures ont été dotés de freins électromagnétiques d’urgence supplémentaires, la signalisation a été modifiée, et surtout les locomotives et les voitures du train sont peints dans un rouge vif « flashy » qui tranche sur la tradition du vert sombre SNCF et fait le succès médiatique du train. Même le journaliste Georges de Caunes fait, pour TF1, une émission spéciale, le 27 mai 1967, pour préparer l’événement qu’est la mise en service des trains 1005 et 1010 à 200 km/h.
Mais passer d’un seul coup de 160 km/h à 200 km/h est un véritable bond qui fait suite à une série de pas modestes. Si, techniquement, le bond est préparé par plus de 400 essais à 200 km/h et 40 à 50 essais à 250 km/h, économiquement, le pari n’est pas gagné. Les calculs montrent qu’une augmentation de 5 % de voyageurs de plus que dans le train à vitesse normale équilibrerait financièrement les surcoûts dus à la plus grande vitesse. Il fallait 5 % : il y eut 42 %.
Effectivement, le premier bilan d’exploitation du Capitole fait état d’une augmentation de 42% du nombre des voyageurs/kilomètres entre octobre 1966 et octobre 1967, avec un bénéfice de 260 000 F. Et pourtant le gain de temps de parcours est assez… symbolique, avec seulement 40 minutes sur un trajet de presque sept heures. Et pourtant le succès de ce train « qui roule à 200 à l’heure » est considérable, et vient, sans nul doute, d’ailleurs que du gain de temps si symbolique. La magie du chiffre 200 y est pour beaucoup, et un indicateur mural de vitesse, installé dans la voiture-bar du train, contribue à créer le mythe de la grande vitesse. Et pourtant… si le train roule à 200 km/h, ce n’est guère que pour le temps d’une démonstration sur 70 km dans les plaines de la Sologne entre les points kilométriques 125 et 195, soit entre le pont sur la Loire et le tunnel de l’Alouette, avant de redescendre à de sages vitesses classiques sur le tracé tourmenté de la ligne qui impose même un 110 km/h dans la longue traversée du Massif-central.
L’ingénieur Marcel Garreau ne s’y trompe pas : « Parmi les raisons qui peuvent jouer en faveur du chemin de fer, quand il est à la fois rapide et confortable, il y a, je crois, le plaisir de faire une grande vitesse au sol, dont on se rend compte, et cela, sans être emporté comme un paquet, en continuant, au contraire, à mener une vie normale, à lire, à prendre un repos, à causer, à sommeiller librement ». Bref, l’avion que vise Marcel Garreau dans ces lignes, n’est ni de la vitesse, parce que l’on ne la perçoit pas, ni du confort, ni de la liberté : l’expérience, déjà à l’époque, de la « classe sardine » et des entassements du transport aérien démocratisé commence à tuer le mythe enchanteur de l’avion, privilège jusque-là d’une classe fortunée, et à ouvrir la voie à d’autres formes de la vitesse avec d’autres moyens de transport.
Troisième temps : l’époque du train rouge, orange et gris (1970-2000)
Cette troisième période est la plus longue, historiquement, même s’il est, dans une certaine mesure, celle de la stagnation des vitesses et de la régression du train une fois la liaison TGV ouverte par Bordeaux en 1991, faisant le trajet en cinq heures. Le train change complètement d’aspect avec ses magnifiques CC 6500, et surtout les splendides rames Grand Confort qui sont les plus réussies de la SNCF à l’époque. Jusqu’au début des années 1980, le train connaît un succès croissant et son niveau de confort et de luxe, avec l’air conditionné et une restauration de qualité, est exceptionnel. Les rames comportent jusqu’à treize voitures, et il faut dédoubler le train les jours de pointe. C’est bien avec le « Capitole » que la France découvre que les trains peuvent être plus rapides et plus confortables que les autres moyens de transport, et le TGV d’aujourd’hui doit beaucoup au « Capitole ».


La SNCF de 1980 à 2022.
À partir du milieu des années 1980, la SNCF est entrée dans une nouvelle période. C’est le temps de la vitesse, du TGV et de la voiture Corail, mais aussi du « marketing », de l’action commerciale. La concurrence de la route et de l’air sont désormais très dangereux pour le chemin de fer. Mais l’écologie, de nouvelles manières de vivre et de voyager, la vitesse, la sécurité sont des alliés efficaces et fidèles.
Le milieu de la décennie des années 1960 a déjà marqué un tournant technique pour la SNCF, avec le renouvellement de la traction électrique, des essais de moteurs synchrones et asynchrones, mais aussi l’arrêt des études de nouvelles locomotives diesel de ligne. La naissance du Service de la Recherche en 1966, la naissance du système TGV avec les essais des débuts en 1970 jusqu’à la mise en service de la ligne Paris-Sud-Est en 1981, voilà tout ce qui marque bien une nouvelle ère pour le chemin de fer en France.
Durant cette période s’éteignent les dernières séries d’engins du passé : la traction vapeur disparaît, ainsi que les autorails de la première génération remontant jusqu’aux années 1930, ou les anciennes séries de locomotives électriques à bogies porteurs.

Les 5 nouvelles idées de la SNCF en matière de traction.
A partir des années 1960, cinq « idées-force » vont diriger, désormais, l’évolution technique du matériel roulant de la SNCF et elles porteront leurs fruits sur l’évolution du matériel roulant à venir :
- La réduction du nombre des organes, avec, en particulier, celle des organes de transmission (multiplication des essieux moteurs s’il le faut).
- La réduction du poids en augmentant la puissance massique des moteurs (elle doublera, d’ailleurs, en 10 ans).
- La suppression des dégradations mécaniques: pas de frottements (donc: des paliers à rouleaux ou des blocs de caoutchouc), pas de corrosion, des roues monobloc, etc..
- La facilitation des interventions: réunions en « blocs » des organes ou appareils de même fonction, coffrets d’appareils d’un dépôt facile, développement de la « maintenance », etc..
- L’unification: moins de pièces, moins de stocks, cabines de conduite unifiées, etc.. ce qui réduit les coûts de maintenance et de conduite, et assure une formation plus rapide et plus simple du personnel, un travail plus facile et plus rentable. Mais l’unification viendra plutôt de l’importance du nombre d’engins dans les séries que d’une véritable unification au sens propre du terme.
Les actions décisives.
L’électrification est perçue comme encore plus nécessaire pendant ces 40 dernières années qui ont vu le choc pétrolier, la prise de conscience écologique, et l’accroissement de la demande de transport. Aujourd’hui, environ 2.000 locomotives électriques, 1.700 locomotives diesel, et 1.200 locotracteurs forment l’essentiel du parc moteur, avec les 351 rames TGV de l’époque.
La maintenance est désormais, une partie intégrante de la traction, présente dès la conception du matériel roulant : le monde des ateliers n’est plus au second plan, mais se retrouve, par la haute technologie désormais mise en œuvre, au cœur des enjeux du transport ferroviaire.
La vitesse et le confort pour les voyageurs, mais aussi la vitesse pour les marchandises, sont, désormais, considérés comme des objectifs prioritaires. C’est la fin des trains lourds, rares, et lents, d’un service public qui se considère comme une administration.
1990-2022: Trente années de grandes avancées : l’âge d’or enfin trouvé ?
Au TGV Atlantique du début de cette décennie 1990, se sont ajoutés le TGV-Nord Europe en 1993, le TGV Transmanche (Eurostar) en 1994, le TGV « Thalys » en 1996,en 2001, le TGV Méditerranée mettant Marseille à 3 h de Paris, en 2007 le TGV Est plaçant la France au cœur du système de la grande vitesse européenne, et en 2017 les deux lignes de TGV Paris-Bordeaux et Paris-Rennes. Les premières rames TGV-Duplex à 2 niveaux circulent depuis l’été 1996. La diversité du matériel va croissant avec des sous séries bicourant ou tricourant, des remorques et des cabines de conduite différentes, des équipements de signalisation et de sécurité (système TVM 430, balises KVB, etc).
Au début des années 2000, plus de 860 millions de voyageurs prennent le train chaque année et les TGV assurent actuellement environ 60 % du trafic voyageurs de la SNCF (36 milliards de voyageurs/kilomètres en 2001) sur 1.281 km de lignes nouvelles, desservant environ 160 gares réparties sur les lignes nouvelles ou les lignes classiques. Aujourd’hui, rappelons que la SNCF c’est un réseau ferré national, propriété de SNCF Réseau (avec la fin de RFF en 2015) d’une longueur de 29 273 km (électrifiés 15 687 km) transportant 1,1 milliard de voyageurs et 20 milliards de t/km de fret chaque année. Toutefois, il y a encore des suppressions de petites lignes ou de trains “peu rentables” : la notion de service public intégrant le chemin de fer à l’école, à l’hôpital, à la justice, à la police, à la gendarmerie, à l’armée et “quoiqu’il en coûte” n’est pas encore complètement admise par l’opinion publique.
Toutefois, aujourd’hui aussi, deux années de pandémie mondiale ont créé un “nouveau deal” pour les chemins de fer et, on peut le dire, ont fait d’eux le moyen de transport définitif de l’avenir par le simple fait de la survie économique et écologique de notre civilisation.
C’est peut-être finalement dans la communication de la SNCF que l’on peut voir les signes et les indices visibles d’un âge d’or actuel… Souvenons-nous de ces slogans emblématiques et inoubliables :
« Prenons le train » (années 1970 – 1980)
« Le train du bon temps à bon prix » (1983)
« SNCF, c’est possible ! » (1988)
« Le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous » (1991)
« À nous de vous faire préférer le train » (1995)
« Prenez le temps d’aller vite » (2001)
« Donner au train des idées d’avance » (2005)
« Des idées d’avance » (2005)
« Rapprochons-nous » (2016)
Nous attendons le grand slogan SNCF pour ces années 2020. Les paris sont ouverts.





Superbe document, à lire relire à voir et revoir et à apprendre par coeur.